Le livre « Danse et art contemporain » de Rosita Boisseau et Christian Gattinoni initialement paru en 2011 aux Nouvelles Editions Scala trouve une réédition actualisée permettant de faire le point sur ces riches relations pleinement engagées depuis le début du XX ème siècle.
Présenté dans un petit format et abondamment illustré avec une majorité de photographies de Laurent Philippe pour la partie contemporaine, le livre s’organise en quatre grands chapitres suivis dune analyse plus approfondie d’une oeuvre. Il décline des sous-parties explorant par exemple des thématiques comme « le fantasme de l’art total », « la scène paysage » ou la question essentielle de « la plastique du vivant ». Les auteurs envisagent aussi les statuts mixtes comme celui de « chorégraphe-plasticien ». Chaque partie est complétée d’un hors-champ qui approche, le costume à danser, la notation, l’attachement scénographique au noir, à la nuit. D’autres étudient les relations externes à la photo de danse, au film et à la vidéo danse mais aussi les proximités et différences avec la performance.
Si la toute première partie plus historique a peu changé si ce n’est que les artistes étudiés le sont aussi avec des créations plus récentes, de nouveaux chorégraphes trouvent leur place gagnée dans cette dernière décennie. On découvre ici avec intérêt Dimitris Papaioannou, Alexander Ekman, Damien Jalet, Adrien Mandot et Claire Bardainne ou la troupe de (La) Horde.
La couverture du précédent essai était dévolue à une double image du Laveur de carreaux de Pina Bausch et son champ de fleurs rouges. L’actuelle présente un corps pixellisé sous une nuée de traits numérisés, illustrant une pièce de Hiroaki Umeda Holistic Strata. Les auteurs et l’éditeur ont un moment pensé à une autre image celle de François Chaignaud dans son solo Dumi Moyi. Ce sont en effet les deux courants principaux qui traversent la danse d’aujourd’hui dans ses rapports aux arts plastiques.
Comme le dernier chapitre l’étudie une approche plus technologique se trouve à l’oeuvre, initiée dans les relations privilégiée entre danse et vidéo elle se développe à travers de nouvelles formes de dématérialisation. L’analyse guidée qui clôt l’essai est ainsi consacrée au duo marseillais N+N Corsino dont la réputation est devenue internationale.L’ouvrage lui-même connait une édition en chinois grâce à l’éditeur taïwanais Bookman Books.
Mais un autre courant qui s’oppose à celui-ci et à sa séduisante froideur numérique est celui que les auteurs envisagent « au risque du corps ». On y trouve le suédois Alexander Ekmann, , héritier de Pina Bausch grâce à ses mises en scènes spectaculaires. Mais aussi les grands créateurs belges comme Alain Platel, Didi Larbi Cherkaoui et Jan Fabre. Le grec Dimitris Papaioannou explore quant à lui le défi du vivant avec une énergie étonnante.
François Chaignaud trouve dans le livre une place tout à fait digne de son implantation en ce domaine. Partenaire du plasticien de la désidération SMITH il interroge le corps à l’aune du genre bien entendu mais aussi en lien à l’histoire de la danse et de la musique. Son dernier spectacle Soufflette présenté au Théâtre d’Orléans et créé avec la compagnie norvégienne Carte Blanche structure une danse tribale qui brode ses polyphonies médiévales produites en direct sur le rythme martelé par les pieds des danseurs. L’exploit physique que représente une telle performance qui se dégage peu à peu de sortes d’armures de laine invente d’autres rapports humains dans une synergie corporelle. Elle débouche sur un final d’un baroque flamboyant les danseurs revenant en scène dans une évanescence florale époustouflante pour un ballet final lent et silencieux.
Sur les multiples scènes de la danse contemporaine qui vaincra le corps baroque contemporain ou l’image technologique , la battle mentale entre les deux prouve en tout cas la vitalité de cet art singulier.