A ma connaissance si beaucoup d’illustrateurs se sont attaqués à donner une image humaine de la pandémie et du confinement, ils n’ont pas fait l’objet de série de création. Le photographe havrais Olivier Roche s‘y est consacré avec une interprétation toute personnelle de l’architecture de sa ville.
Sur les 560 000 reproductions disponibles chez Getty images à la rubrique confinement une majorité montre la solitude des personnes confinées. Un petit nombre d’illustrations se concentrent sur des espaces urbains vides, dans une sorte de degré zéro du constat.
Olivier Roche a publié il y a quatre ans son livre De béton et de lumière qui documentait le chantier de rénovation de l’Espace Oscar Niemeyer au Havre.
La première partie Earthmoving était constituée de plans serrés sur les engins et les remblais et terrassements, ils s’opposent aux plans moins serrés mais eux aussi très contrastés des étapes du chantier.
C’est une toute autre esthétique que lui suggère le confinement. Pour cela il a recours à deux techniques opposées, qu’il gère dès la prise de vue et qu’il finalise en post-production. Elles s’appliquent à des plans généraux de la ville du Havre où il vit. La majorité des images sont réalisées en couleurs selon la méthode dite du high key : en surexposant la prise de vue on obtient une dominante de valeurs claires. Dans le cadre de cette série les tons s’étagent entre les blancs et les bleus clairs ce qui donne un effet singulier à ces vues urbaines , « la ville comme assaillie de lumière, fictionelle et enivrante, minérale et sensuelle comme jamais. »
L’effet est renforcé par la sensualité des papiers utilisés pour les tirages, ils sont de deux sortes, tous les deux produits par Hahnemühle. La firme décrit le Museum Etching comme un papier Fine Art blanc naturel en coton, tandis qu’elle vante le Baryta FB, papier baryté traditionnel, pour sa blancheur intense et sa texture extrêmement lisse et brillante.
Quelques images produites en noir et blanc font contrepoint d’autant qu’elles sont produites en low key où les dominantes sont très sombres avec des noirs profonds. Elles comportent aussi des plans généraux accentuant l’effet de désertification de la cité. Elles ont été précédées d’une autre série de l’auteur un Hommage à Gustave Le Gray réalisé grâce à des sténopés numériques. Avec la même technique une seule image présente un être vivant, une femme assise comme recroquevillée sur elle-même, vue de dos ce qui nous permet de nous identifier comme témoin de sa solitude.
Le jeu paradoxal du high key couleur et du low key noir et blanc fait doublement disparaitre la ville dans une sorte de flottement silencieux d’une grande puissance évocatrice de cette étrange expérience que nous avons partagée et que le photographe nous fait revivre.