Entropia , des rituels et des métamorphoses

Le Transpalette, projet porté par l’association Emmetrop, implanté depuis 1998 sur la friche culturelle l’Antre-peaux à Bourges rouvre après rénovation pour mieux défendre l’art contemporain dans ses expositions mais aussi dans des évènements transdisciplinaires qui les accompagne et en complète le champ de recherche. Musique et performance, théâtre, arts plastiques et danse contemporaine, créations sonores y sont accueillis grâce à des résidences et des évènements qui interrogent notre monde. Entropia inaugure cette programmation avec trois artistes dont les recherches abordent l’évolution humaine à travers ses menaces et ses espoirs.

Le lieu s’est fait connaître par la présentation d’œuvres aussi diverses que celles de Claude Lévêque, Wang Du ou Lawrence Weiner , d’autres de Pierre Ardouvin, Véronique Boudier, Nicolas Moulin, et plus récemment la série de photographies historiques « Disjonctions » de Jean-Luc Moulène. En 2003, la rencontre avec Paul Préciado offre au Transpalette un programme de recherches entre théories, art et activismes dans un lieu d’expérimentation explorant les pratiques artistiques identitaires.

Damien Sausset directeur artistique de la structure poursuit cette recherche en invitant pour cette inauguration deux projets d’une grande ambition, celui photo-cinématographique de SMITH et celui plus écologique du duo Art Orienté Objet. A l’intersection de leurs deux champs de recherche la résidence du laboratoire espagnol Quimera Rosa leur permettra de développer leur projet de bio-art Transplant qui tente une hybridation plante/humain/animal/machine.

L’œuvre interrompue et en partie détruite du philosophe allemand Aby Warburg a été depuis plusieurs années remise à son niveau d’importance comparable à celle d’un Walter Benjamin par les essais de Georges Didi-Huberman. Ceux-ci se fondent sur l’ensemble du développement de la pensée du théoricien en insistant sur l’Atlas Mnémosyne. Le tandem composé par Marion Laval-Jeantet et Benoît Mangin a choisi de s’intéresser à un autre épisode de la vie mouvementée de cet auteur. Après son séjour en hôpital psychiatrique traumatisé par la première guerre mondiale l’étude qu’il mène du rituel du serpent lui permet de remettre en cause les analyses des faits culturels trop ouvertement ethnocentrés en Occident. La vidéo Denksraum permet au couple d’artiste de prolonger et d’actualiser cette réflexion.
L’installation de verre radioactif L’Herbe Noire (2016) sublime la la phosphorescence naturelle du verre irradié. Les plantes subissent d’inquiétantes métamorphoses qui évoquent des catastrophes écologiques comme Tchernobyl.

Smith s’est fait connaître par ses portraits en lumière diaphane de personnes jeunes aux corps abandonnés. Ils se tiennent dans des postures de repli comme avant la prise de conscience de l’image. Ce détachement des coprs défaits de leur singularité où le genre n’apparaît que comme supplément à leur subjectivité était la marque de sa série Lôyly.

Si elle défend son attachement à ce courant des photobiographes comme Nan Goldin, Larry Clark ou Antoine d’Agata elle est passée à d’autres formes de fictions plus complexes avec TRAUM. En sacrifiant son prénom pour signer SMITH l’artiste se place dans une postérité engagée dans les questions de genre ouverte par ORLAN. Elle poursuit en vidéo son expérimentation des images aux couleurs pâles. Sa fiction montre que suite à une crise neuroleptique de Yevgeni , qui perd ses facultés mentales, il cause la chute de la fusée pilotée par son ami Vlad qui en meurt. A côté des photographies de ses différents héros et des autres protagonistes comme le danseur Mathieu Barbin qui l’aident à développer son univers elle présente sur une table différents “restes” de Vlad et de son vaisseau. Des thermogrammes, actualisent de façon contemporaine les anciennes images de spectres et apparitions de la photo spirite du XIX ième siècle . Quant au héros son moi se délite, tandis qu’il adopte cellule après cellule, une nouvelle identité. Témoigne de cette mutation les 7 sculptures 3D composant la série des Intriqués accompagnée de cette légende sur le mur :« Disparaître pour mieux m’apparaître tel que je suis, fragmenté. A la trajectoire incertaine ».

Pour la soirée d’inauguration un solo chorégraphique de François Chaignaud Dumy Moyi accentuait la relation du genre à sa programmation sociétale face aux nouvelles cultures. Ce rituel d’une hauteur baroque répondait parfaitement aux œuvres manifestant d’inquiétantes entropies.