Le centre d’art le Parvis à Tarbes vient de présenter une exposition monographique de Laëtitia Bourget du 13 décembre 2007 au 2 février 2008. Artiste française investie depuis une dizaine d’année dans une pratique au plus près de l’exploration de la nature biologique et sociale des corps, L. Bourget expose ici des oeuvres troublantes, déployant le cycle de la vie dans ses ramifications poétiques.

A l’entrée, Les Hybrides voir l’installation accueillent le spectateur par un ballet de formes colorées. Dans un assemblage d’écrans plasmas, des créatures étranges de différentes tailles se replient et se déploient en un va-et-vient symétrique. Les mouvements sont fascinants, ils captent l’attention par leurs étranges formes de vie. Chaque hybride est issu d’une partie corporelle filmée puis dédoublée, mais les distorsions sont si grandes qu’il est inutile de chercher les provenances exactes. Il suffit de le savoir pour le croire, pour être immergé dans une exploration plastique qui génère d’autres images-corps.

Un peu plus loin, trois oeuvres dialoguent dans une pièce étroite. Dans la vidéo L’attente voir la vidéo, L. Bourget est assise nue sur un large fauteuil. Installée dans une pose confortable, elle expose son corps de femme enceinte dans un cadrage qui dérobe son regard. Un tracé organique, d’une couleur rouille en fort contraste avec la blancheur de la peau, s’inscrit peu à peu sur son ventre, sur ses seins, sur ses cuisses, envahissant l’espace de reproduction maternel. L’animation d’images fixes permet de suivre la succession des étapes, des stades de l’attente, et d’assister au déploiement de la vie. L’atttitude lascive du corps offert aux regards fait écho à l‘Olympia de Manet, la féminité y resplendit de la même assurance de sa nudité séduisante, mais dans une mise en scène d’une image de la maternité très troublante. A côté, L’arbre de vie réinterprète un schéma ancestral à partir d’un assemblage de petites boules de cheveux cousues sur une couverture de soie. Six femmes ont ramassé et offert leurs cheveux pour créer cet objet-offrande pour le nouveau-né, dans un geste de transmission. En face un dyptique vidéo La rencontre et l’accueil voir la vidéo suit du regard un père et une mère (L. Bourget) nus léchant leur bébé. Les langues parcourent consciencieusement la peau de l’enfant, mimant une activité animale. L’enfant réagit avec plaisir à ces caresses, il gigote dans les longs poils blancs du tapis où il est installé et sa réaction instinctive joue pour beaucoup dans l’émotion que provoque la vidéo.

L’ensemble des pièces exposées sont des hymnes à la vie, à ses processus biologiques, une réappropriation des cycles temporels de l’humanité. Cheveux, poils, excréments sont les outils de réalisations plastiques qui sont la base d’une exploration poétique des matériaux de la vie humaine. Le résultat n’est ni provocateur ni morbide. Dans Substrat(en collaboration avec Philippe Charles), des poils d’animaux et des cheveux humains sont cousus et forment un doux tapis dont les variations de couleur sont comme les éléments d’une histoire. Le poil est à la fois très intime, au plus près de la chair, et à distance de l’identité puisqu’il est ce que l’on dissimule ou traque. Il est aussi ce que l’on sème autour de nous, au fil de nos mouvements, au fil du temps. Ce tapis est ainsi un condensé de différents cheminement personnels, il est chargé de temporalité et d’intimités.
L’exposition présentait également Les sculptures-excréments réalisées entre 1997 et 2001, statuettes sculptées dans des excréments. Une vidéo Recyclage met en scène le processus de réalisation de ces pièces étonnantes : voir la vidéo. Le résultat est une succession de figures féminines figées dans de la résine colorée. Le mode de présentation reprend le principe de la vitrine et redouble ainsi la référence aux figurines préhistoriques qui habitent aujourd’hui les musées. Il se rejoue ici comme dans toute l’exposition un rapport de croyance face au cycle organique humain, mais dans une mise en forme qui manie également des aspects ironiques. Être en vie pourrait passer pour une invitation à une expérience de retrouvaille avec notre nature biologique, mais les oeuvres ont toutes une distance salutaire qui affirme avant tout leur force plastique.

Mathilde Roman