Contrairement à ces célébrations officielles nécessaires mais si limitées que constitue la journée de la femme ce sont des pratiques engagées à long terme de 19 artistes de différentes disciplines qui sont réunies jusqu’au 29 mars à la chapelle Sainte Anne d’Arles autour des Féminisme(s) à l’initiative de la galerie Joseph Antonin. Une réussite importante à l’heure du débat faussé mené par la bien pensance d’extrême droite et bien trop médiatisé par la grande presse.
Le pluriel du titre se revendique déjà dans l’invitation à plusieurs artistes masculins qui comme le peintre Guillaume Flageul ou le plus important représentant de la photo povera Bernard Plossu témoignent de la richesse des relations égalitaires avec la femme comme compagne et modèle. Avec humour l’exposition propose une critique du stéréotype féminin tel qu’il a pu s’imposer dès les années 50 à travers le type de la starlette croisée à la Mostra de Venise et dont les clichés ont été conservés dans les archives du portraitiste Graziano Arici.
Les autres exposantes sont réunies autour de différents thèmes d’une réelle portée sociétale et artistique : imaginaire et intimité redéfinissent les questions du queer et du gender, tandis qu’enfance, autobiographie et mémoire instituent le versant plus analytique.
Dans ce rapport à l’histoire les portraits sensibles de Sonia Yassa reviennent sur les grands pans de silence qui continuent d’obscurcir les épisodes les plus noirs de la guerre d’Algérie vécus par sa famille. Les ensembles photo-texte de la belge Anne de Gelas sublimes et douloureux approchent un difficile travail de deuil. Une autre expérience intime du même ordre nous est contée par Sara Carp dans son impossible combat pour sauver son frère de la leucémie qui l’a emporté. Un engagement humain et esthétique d’une rare intensité.
La montevidéaine Veronika Marquez se met en scène en se dédoublant dans ses images pour mieux envisager d’autres identités possibles ou plus improbables qui remettent en question les rôles socialement imposés à la femme. Dans un ensemble de petites boîtes organisées en installation nécessitant une lecture de proximité Mélanie Fontaine entame la subtile narration de récits d’enfance dont l’enjeu corporel reste premier. Emilie Jouvet devenue l’une des principales représentantes de l’expression de l’identité queer s’illustre avec brio dans une perspective éclatée du genre. Sur le même terrain l’une des découvertes de cette proposition collective est la vidéaste Olga Iwogo dont les performances filmées ne manquent ni de séduction ni d’humour.
Il faudrait citer chacune des expériences humaines et artistiques liées à des supports de création aussi divers que le collage(Anitaa), le dessin(Cendres Lavy), la sculpture (Karine Debouzie, Marie Goussé) ou la peinture.(Maria Machatova) et toujours la photographie (Katharine Cooper, Gaëlle Largilière et Lynn SK)
La pièce la plus belle, la plus simple aussi reste cette vidéo du très grand cinéaste iranien Abbas Kiarostami obtenue par l’entremise d’Alain Bergala qui signe aussi un fort joli texte sur la relation masculin féminin. Dans No l’assistante du réalisateur questionne de très jeunes filles sur leur désir de faire du cinéma au prix du sacrifice de leur chevelure.
Les hésitations, les mimiques qui en résultent et l’aveu de leur renoncement par le courageux « No » du titre est une grande preuve d’intégrité morale et d’affirmation identitaire qui résume bien l’esprit de cette courageuse et sensible exposition. Oui le pluriel de ces Féminisme(s) balaye toutes les ratiocinations réactionnaires de tous les censeurs potentiels des différents intégrismes qui nous menacent et continuent de nuire aux femmes, de nourrir la violence qui leur est faite. Ces réponses sont aussi joyeuses que tonitruantes.