Fensch, un livre d’artiste des éditions Orange Claire

Claire Jolin est photographe et éditrice. Elle a créé à Metz les éditions Orange Claire (Léoc). Elle publie notamment les livres-objets de la collection PhotosMots. Sa dernière parution « Fensch » met en page le dialogue graphique de ses propres images avec les poèmes courts d’Hervé Scialdo.

Le premier ouvrage Cycle réunissait les photos de Véronique L’Hoste et une nouvelle de François Borel-Hänni . La plasticienne scénographie les aventures d’un forme claire, indéfinie, qui envahit paysages et pièces du quotidien.

La vallée sidérurgique de la Fensch en Lorraine est un lieu symptomatique de la Région. Si on l’appelle la vallée des anges, en raison des terminaisons des patronymes des villes, son évolution historique récente et la mise au rencart de nombreux équipements industriels témoignent d’un triste état de la société libérale, là résonne « le bruit d’antan de votre terrible musique »

En choisissant des images sombres, peu contrastées et floues l’auteure instaure un climat délétère où les architectures abandonnées, les figures humaines et les images anciennes entrent en symbiose. L’écrivain lui répond :
« Je me souviens très bien de la première fois où j’ai écrit. C’était dans la nuit. La nuit où rien ne ment. Mise au noir. Comme la photographie de Claire » et plus loin « Tout n’est que précipité du blanc au noir. »

Le format externe du livre assure sa bonne tenue en main . D’autres images de mains tenant des clichés anciens assurent un rapport d’échelle de l’ordre de la grandeur nature. Au cœur du livre l’image d’un personnage vaguement souriant est découpé en lamelles, à l’intérieur sont imprimés en blanc sur noir, les courts poèmes dont plusieurs on été écrits en écho direct aux photographies. (Un discret renvoi graphique nous invite à cette lecture rétroactive.)

Pourtant chaque pratique obéit à sa propre logique, suit son propre cheminement. L’intelligence de la collection est d’éviter la simple illustration pour laisser une plus grande initiative à l’imagination du lecteur, très sollicitée.

Beaucoup de ces images sont mystérieuses, aux limites du fantastique. Certaines, sous-exposées, exploitent une ambiance climatique, les figures humaines assument leur charge expressionniste. Les corps deviennent des silhouettes fuyantes, les bouches se tordent sous la pression d’un cri, seules les images reproduites ont le calme nostalgique de l’enfance.