Fernanda Gomes

Si l’on n’a pas eu la chance de voir l’exposition de Fernanda Gomes au Centre d’Art et du Paysage de Vassivière, il reste l’édition qu’elle a réalisé à cette occasion, un livre d’artiste qui est moins un livre qu’un ensemble d’œuvres et peut-être moins un portfolio qu’un prolongement, une salle cachée de son exposition.

Comme toujours chez Fernanda Gomes, la simplicité est trompeuse. L’édition qu’elle a réalisé pour le Centre d’Art se compose de plusieurs feuillets rassemblés dans une pochette brune. S’il s’agit bien de feuilles – en dans un cas littéralement – il ne s’agit pourtant pas de page. Les feuillets ne s’enchaînent pas les uns après les autres, ils dévient chacun vers une hypothèse spatiale. Ces hypothèses comme toutes les propositions de l’artiste se pose comme un détournement de l’objet, parfois un simple déplacement. Chaque feuillet a été modifié, chaque feuillet ouvre vers un arrangement différent, l’un d’entre eux porte collé une feuille de papier à cigarette, les autres se tiennent aussi dans ce même état limino-sculptural.

L’objet fait écho au livre de George Maciunas dont les pages sont ramené par le collage, la déchirure, le pli, à leur matérialité. Mais chez Gomes, on se pose aussi la question de l’usage, du déploiement de l’objet. S’il est réducteur de considérer cette édition comme un livre, il serait tout aussi absurde d’en encadrer les pages pour en faire des « œuvres au mur ». Peut-être que la forme la plus proche est celle de la boîte à outil. Un ensemble de propositions qui sont amorcées par l’artiste et laissées là, au soin pour le prochain usager de les reprendre, de les activer.

Cet emploi inhabituel du livre d’artiste fait écho à sa place particulière dans le travail de Feranda Gomes. Ainsi à Vassivière, l’artiste a investi l’espace de constructions – ou comme on le proposait plus haut d’hypothèses – utilisant les matériaux disponibles sur place. L’espace est ainsi organisé selon l’arrangement de planches de bois, de briques, d’outils de montage. La dernière salle ajoute à ces matériaux un nombres importants de balle de Ping-pong, et deux exemplaires du Tractacus Logico-Philosophicus de Ludwig Wittgenstein. Les deux livres sont pratiquement invisible, leurs couvertures ayant été « pelée » pour ne laisser à leur surface que la matière blanche du papier qui se trouve sous le titre, l’impression et le pelliculage plastique.

L’usage seul du livre de Wittgenstein lui donne finalement une fonction. Il n’y joue plus d’effet d’annonce, on ne sait pas l’objet que l’on a avant d’avoir utilisé cet objet. L’édition de Fernanda Gomes, comme tout les autres objets de l’exposition se conforme ainsi à la proposition inaugural du philosophe : « Le monde est tout ce qui a lieu ».

Fernanda Gomes – sans titre
éditions Editions du Centre Int. d’Art et du Paysage – isbn 978-2-910850-60-8

ill. Fernanda Gomes « Sans titre », 2013
Vue de l’exposition : Fernanda Gomes, Centre international d’art et du
paysage, île de Vassivière, 2013 © Aurélien Mole