Festival de l’Estran, sur la Côte de granit rose, la nature marine en exergue

Pour sa 14 ème édition festival de l’Estran se renouvelle cette année, en changeant de direction, avant de devenir biennal. Du 11 au 26 septembre deux communes du littoral de la côte de Granit rose, Trebeurden et Tréfgastel s’associent à Pleumeur Bodou pour donner carte blanche à 12 artistes plasticiens, dont une majorité vivant en Bretagne. Suite à leur résidence ils interviennent in situ sur le littoral.

Plusieurs d’entre eux s’attachent à des objets stéréotypés du folklore maritime.
Antoine Milian, diplômé des Beaux Arts d’Orléans installe sur les rochers de Cos Pors sa pieuvre baroque, géante et colorée qu’il nomme Krakan.

Deux travaux cinétiques font référence au déplacement de l’eau lui même ou à celui des hommes à sa surface. Hortense Le Calvez formée au Wimbledon College of Art crée à la chapelle de Christ à Trébeurden son Appareillage sauvage. La robotisation de deux rames entrant en dialogue avec le vent montre une sorte de machine marine célibataire. C’est une construction mécanique complexe qu’Olivier Plantard active dans le croisement de trois cadrans circulaires réagissant au rythme de de l’océan pour son Horloge à marée, à voir évoluer immergée et hors d’eau, selon la hauteur de l’estran.

Deux oeuvres créées en duo se situent dans un rapport critique à l’Histoire des hommes. Elodie Boutry et Soo Kyoung Lee sont toutes deux peintres et coloristes. Face à l’allée couverte de menhirs à l’entrée de l’Ile grande elles doublent l’alignement préhistorique par une longue sculpture tableau-banc Tabula produite dans leur palette commune la plus vive.
Nicolas Desverronières & Sylvain Le Corre interviennent en designers et sculpteurs sur la réalité des espaces vivants en relation aux territoires. Leur cabane en bois sur la plage de Tresmeur mêle l’idée d’habitation humaine , transformée par les exigences de l’immobilier avec des protubérances qui évoquent les ruches des abeilles. En liaison avec leur engagement une rencontre est prévue avec l’ethnologue breton Guy Prigent pour éclairer leur démarche sur ce Grand marnage.

Les oeuvres les plus réussies installent dans le paysage une relation nouvelle très en accord avec la nature du site. Si Anne Flore Cabanis diplômée de l’ENSBA paris intitule son installation mobile Trésor, c’est en relation à une histoire locale, celle du roi Gradlon. Peu importe de connaître la légende plus avant. Du fait de son mouvement animé par le vent son installation toute en couleurs et en tensions apparait comme une harpe visuelle qui ré-interprète la roche granitique qu’elle exalte.

Ce sont deux autres femmes artistes qui produisent les oeuvres les plus remarquables de ce Festival de l’Estran. Candice Quédec formée aux Beaux Art de Rennes a choisi le pseudo Minuit pour démultiplier ses interventions à travers diverses pratiques. A la Maison de la Mer à Tresmeur elle réunit sous le titre Embruns une sorte d’atlas miniature des mers du monde. Réalisée avec de l’eau de mer de différents territoires ses aquarelles rondes constituent autant de micro-planètes dont les bleus varient suivant la viscosité et la salinité de l’eau. Réhaussées d’une touche d’or fin elles révèlent des sortes de hublots poétiques donnant sur la diversité des océans.
Certaines de ces formes rondes se retrouvent sur les 30 oriflammes de sa série Erres-tu ? installée sur la même plage. Elles côtoient des extrait de textes, des dessins de la flore et d’autres esquisses du paysage, notes de travail … Ces drapeaux constituent une identité poétique de la plage où ils flottent.

Camille Derniaux est doublement diplômée des Beaux Arts de Nantes et de l’HEAD à Genève. Travaillant le vitrail pour questionner les phénomènes optiques elle investit de ses sculptures nommées Rebonds la chapelle romane de Saint Uzec à Pleumeur Bodou. Dans le choeur délivré de tout mobilier, elles reflètent en les diffractant , l’architecture, les vitraux existants et les statues polychromes. Jouant de différentes matières reflétantes ou translucides, de leur fragmentation ou de leur complémentarité visuelle l’artiste interroge la spiritualité du lieu comme la nôtre propre. Une expérience visuelle et humaine d’une haute tenue.