Comment faire le catalogue d’une exposition qui se rapproche plus de la fête foraine que de la stricte doxa des expositions d’art contemporain. Le catalogue de l’exposition Gosse de peintre réussit à reproduire la simplicité et l’efficacité de l’exposition Kitano, la publication oscille entre une boîte à couleur et un tour des installations, friandises et jeux de l’artiste.
On a toujours eu beaucoup de difficulté à cerner Takeshi Kitano, à concilier la violence glacée de ses films de yakusas, l’humanité profonde de certains autres, sans même parler du comique gras de ses productions télévisées, lesquelles ont rarement dépassé les frontières du Japon. L’exposition de la Fondation Cartier reprend cela et en rajoute, en montrant « l’œuvre plastique » de Kitano. On y cherchera en vain le sérieux d’un David Lynch, on y trouvera plus facilement des chats qui font de la montgolfière, des couleurs droits sorties du tube, mais aussi le surréalisme délicat d’animaux vases.
Il ne s’agit pas d’œuvre pour les enfants, il ne s’agit pas d’une autre facette de la personnalité de Kitano. Plutôt que de brouiller les pistes le catalogue donne peut-être la clé du travail de Beat Takeshi Kitano : une absence totale de hiérarchie. Tout fait œuvre chez Kitano, ou du moins tout procède d’un même mouvement où le sérieux renforce le ridicule, où le dérisoire nourrit la grâce. On le comprend si l’on se souvient que la culture japonaise accorde une importance égale aux grandes et aux petites choses, plutôt qu’un haïku exemplaire on citera directement Kitano : « Si je ne m’étais pas attelé de la sorte aux claquettes, je n’aurai jamais eu l’idée de réaliser Zaitochi. », on se rappelle aussi de Beckett qui dirige Buster Keaton.
On regrettera peut-être l’interview un peu ronronnante et redondante du catalogue. On pourra combler cette lacune par un petit et remarquable livre édité par Arléa. Rencontre du septième art regroupe quatre entretiens de Kitano avec Kurosawa, Imamura, Kassovitz et Amuri, bien que centré sur le cinéma, ils donnent un aperçu limpide du geste à l’œuvre dans toutes les productions de Beat Takeshi Kitano.