Francesco Vezzoli ou l’âge d’or de la télévision italienne, icônes et créations

La fondation Prada de Milan s’est installée dans une ancienne distillerie de 1910 qui a été rénovée par Rem Koolas, l’architecte y a ajouté trois bâtiments et achève la construction d’une tour de trois étages. Les 12 000 m2 d’exposition sont partagés cette saison sous la direction artistique de Germano Celant par Thomas Demand, un dialogue entre Louise Bourgeois et Robert Gober et une exposition programmatique de Francesco Vezzoli autour de la télévision italienne des années 1970, coproduite avec la RAI.

Francesco Vezzoli né en 1971 à Brescia, s’inspire de la toute puissance de la culture populaire contemporaine, en empruntant les formes médiatiques du cinéma et de la publicité, leur langage de séduction et de travestissement du réel. Il a créé des vidéos de publicité pour un parfum imaginaire nommé Greed (Cupidité), réalisée par Roman Polanski à sa demande. Dans Democrazy, installation présentée à la Biennale de Venise en 2007, il projetait dans une salle emplie de ballons rouges et bleus symboles des conventions politiques spectaculaires aux Etats-Unis , deux films de campagne concurrents où jouaient Bernard-Henri Lévy et Sharon Stone.Il a également organisé une performance de Lady Gaga, au Musée d’Art contemporain de Los Angeles, en 2009, où la chanteuse performait sur un piano Steinway rose accompagnée par des danseurs du Bolchoï.

Son précédent projet, en 2016 investissait une maison particulière la Villa Sauber partie du Nouveau Musée National de Monaco face au Grimaldi forum. Pour « Villa Marlene » il installait sur deux étages différents hommages à Marlene Dietrich. Il utilisait la bande son du documentaire de 1988 de Maximilian Schell en y ajoutant des tableaux qu’il a fait peindre en Russie par des copistes professionnels comme autant de faux Francis Bacon, Magritte, Modigliani, Chirico et Tamara de Lempicka. Il y remontrait aussi son film
« Marlene Redux : a true Hollywood story ». datant de 1999.

La fréquentation récente de la télé italienne nous la révèle marquée par l’ère de Berlusconi, téléréalité, modèles potiches et vulgarité à tous les programmes. L’artiste a mené un travail conséquent de recension des archives de la RAI qui lui rend hommage. Dans des décors variés scénographiés par le studio français M/M (Michael Amzalag et Mathias Augustyniak) recréant l’ambiance de plateaux télévisuels, on traverse les années noires de l’Italie, avec la violence des Brigades Rouges, mais aussi les années de prospérité et des luttes comme celle des féministes. Cette programmation accueillait déjà des émissions de variété délirantes où apparaissaient de nouvelles icônes médiatiques telles la Cicciolina ou Amanda Lear. De cette dernière il projette sur de multi-écrans une étonnante séquence d’un trash sado masochiste haut en couleurs.
Ces projections servent aussi de cimaise à des photographies noir et blanc comme autant de portraits d’un autre casting possible.

Francesco Vezzoli, nous rappelle que cette télévision de l’époque fut aussi une plate-forme d’expression pour des talents tels que les frères Taviani , Bernardo Bertolucci ou Pier Paolo Pasolini. Quant aux extraits d’émissions consacrées à l’art, qui montraient l’élaboration d’œuvres d’Alighiero Boetti ou de Pistoletto ils sont accompagnés de manière étonnante des oeuvres commentées, comme cette peinture de Giorgio de Chirico datant de 1973 Soleil sur un chevalet,dont on voit la réalisation.

Vezzoli fait dialoguer ses projections avec des œuvres d’autres artistes comme Mario Schifano et son Paesagio TV de 1970 ou l’installation Apoteosi di Omero de Giulio Paolini de la même période. Photographies et documents écrits installés sur des pupitres d’orchestre apparaissent comme la partition visuelle des différents spectacle chorégraphiques ou opératiques archivés par Vezzoli.

Cette mémoire collective ainsi mise en scène avec d’énormes moyens, ceux de la fondation Prada, se prolonge dans un montage inédit celui de son film Trilogia della RAI qui est un appel à une télévision de création ce que nous ne connaissons plus qu’exceptionnellement.