Garden party, urbex, une exposition au-delà d’une expérience d’œuvres d’art contemporain

Le projet Garden Party proposé par Valérie Arconati a pour origine la valorisation de sites historiques par la présence d’œuvres d’art contemporain. Au cœur de sa dynamique de travail, l’ancrage au lieu, à son histoire, à l’architecture et à ce que le bâtiment a à nous dire. La thématique de l’urbex est apparue suite à sa visite d’une abbaye en ruine, en attente d’être classé. Ce lieu spirituel à l’abandon offrait une zone inconfortable pour une exposition. Or, la commissaire s’est saisie de cette architecture habitée pour tisser la trame de son projet. Si l’esprit de la fête, au départ de son cycle d’expositions se déroule la plupart du temps à l’extérieur, ici les salles deviennent lieu d’une fête retrouvée. Une forêt intérieure qui pousse au fur et à mesure des années s’apparente à un jardin de plantes rudérales. Les artistes ont composé avec le décor de cet habitat où la nature a commencé à reprendre ses droits. Deux fils rouges relient les œuvres, la spiritualité qui marque ce bâtiment et la nature à proximité.

La tente à fleurs de Jean-Paul Matifat crée une première porte vers les mystères de ce lieu. Témoin d’un espace de vie, cette tente inspire également la sensualité, le désir par les éléments à partir desquels elle s’agrippe. Plus loin sa vidéo laisse croire à des présences blanches qui nous indiquent le chemin.
Les artistes travaillent avec des matériaux simples, issus de la nature. Ce processus artistique fait écho aux techniques artisanales des sœurs qui ont vécu dans cette bâtisse.

La sculpture Populus de Lélia Demoisy convoque le cycle des essences des arbres et joue sur un paradoxe entre les éléments naturels et ceux façonnés par la main de l’homme. Semis #10 renvoie aux origines et s’apparente à une graine protégée et ainsi englobée comme si elle donnait naissance à une structure en développement.

L’œuvre Plus loin dans la forêt II de Vincent Laval met en évidence une nature domestiquée et fait écho à une cabane, abri précaire. Dans le réfectoire, lieu de convivialité, cette sculpture témoigne des traces d’une vie réglée et ordonnée qui a eu lieu. L’immense crucifix qui jadis trônait sur un mur crée une relation ambigüe avec cette création en différents fragments de bois. Celle-ci s’apparenterait alors à une possible couronne d’épines.
Si certaines pièces sont fermées, le parcours nous conduit presque à nous perdre dans un labyrinthe de salles désormais ouvertes à la végétation qui croît au fil des années.

Nathalie Junod Ponsard transforme la perception de cet ancien bâtiment dont la déambulation nécessite une attention particulière. La lumière et ses variations chromatiques créent des signaux pour nous attirer et nous guider. L’artiste révèle combien la couleur influence les sensations que procure ce lieu sur notre propre corps. Nous prenons conscience de l’espace où nous nous trouvons et vivons alors ce moment comme magique et privilégié. Son installation dans l’escalier d’honneur crée une transition, un passage à suivre vers l’étage et la suite de l’exposition. Elle nous accompagne avec ses couleurs célestes.
L’œuvre la Veillée au Candelou de Juliette Minchin révèle la lumière spirituelle de cet ancien site aujourd’hui marqué par l’empreinte des visiteurs non conviés, curieux. Un lien s’établit avec la tente sacrée de voiles blancs de Jean-Paul Matifat.

Lélia Demoisy a investi la salle aux poutres apparentes avec une nouvelle œuvre qui joue sur un paradoxe entre des matières. Le bois est ici travaillé devenant presque charbon ou pierre. En relation avec l’ossature du bâtiment, son installation renvoie au cycle naturel des éléments. Architecture 2 réalisée à partir de fragments de cèdre rouge, qu’elle a nettoyé puis laqué, nous fait songer à un étrange squelette d’animal. Les œuvres de cette artiste réunissent différents règnes et nous amènent à envisager nos relations envers les êtres vivants avec lesquels nous cohabitons.

Cette exposition propose un voyage à l’intérieur d’un lieu mystérieux qui invite à nous perdre et à poursuivre son exploration au-delà des propositions des artistes. Si les œuvres prennent place dans des salles où la lumière naturelle nous attire et nous convie à regarder dehors, l’expérience se double d’une enquête, d’une joie de devenir aventuriers des ruines. Au fur et à mesure des visites, les œuvres se chargent de croyances et de pensées, se dévoilant d’une autre manière tels des témoins du passé religieux de ce bâtiment et de sa magnificence historique. À chaque moment de la journée, leur perception change.

Ce projet révèle et réveille le patrimoine historique d’un monument et donne un nouvel éclairage sur celui-ci, témoin du passé d’un territoire. Les œuvres d’artistes contemporains choisies selon les lieux recréent une nouvelle dynamique à ces sites qui furent grandioses, continuant de nous attirer par leur espace incitant à la promenade et à la découverte des qualités architecturales.