Le Frac Centre-Val de Loire expose Gianni Pettena jusqu’au 9 mars 2025 sous le titre « Anarchitecture » terme avec lequel il se définissait dans un texte manifeste de 1973. Cette exposition dont le commissariat est assuré par Élodie Royer fait suite à celle éponyme qui vient de se terminer au Crac Occitanie à Sète. Représenté par la galerie Salle Principale, l’artiste à qui est rendu cet hommage manifeste son importance et sa singularité en tant qu’un des pionniers de l’architecture radicale italienne, aux côtés des groupes Archizoom, Superstudio et UFO.
L’inauguration a été l’occasion de confirmer la nomination à la direction de l’institution de Christelle Kirchstetter, qui dirigeait depuis 2019 l’École nationale supérieure d’art et de design de Nancy. Co-présidente de l’Association nationale des écoles supérieures d’art et design publiques elle succède à Abdelkader Damani qui conteste son licenciement en 2023. En tant que critique j’ai toujours salué l’excellence de ses propositions, orléanais, je sais qu’il était peu connu pour sa capacité de collaboration avec les autres institutions et partenaires locaux.
L’installation Paper, constituée de milliers de bandes de papier qui emplissent tout un espace et qu’il faut découper pour se frayer un passage, réalisée pour la première fois à occasion d’une conférence au College of Art and Design à Minneapolis en 1970 a été reconstituée dans la salle des Confluences et Gianni Pettena l’a réactivée lui-même lors du vernissage avant que le public présent ne s’y fraye un chemin.
Né à Bolzano en 1940, Pettena a été élevé dans les Dolomites, montagnes du nord de l’Italie, paysage marquant qu’il nommera plus tard son « école d’architecture ». La série de photographies de 2011 ainsi intitulée est présentée ici en frise, comme autant d’architectures non-conscientes. Diplômé de la faculté d’architecture de Florence en 1968, époque de critique radicale du capitalisme et du consumérisme, il n’a jamais pratiqué le métier au sens traditionnel. Il a préféré repenser sa discipline à travers des installations, des performances et surtout de très nombreuses conférences et publications. Il a mené aussi de longs entretiens avec Richard Buckminster Fuller, l’inventeur du dôme géodésique, visionnaire dans le domaine du lien à l’écologie.
Dès la fin des années 1970 Pettena fait l’acquisition d’un abri de pêcheur en ruine sur l’île d’Elbe. Cette cabane va devenir le laboratoire collectif où agissent artistes invités et étudiants, d’une interrogation sur l’habitat dans ses liens sensibles au lieu, des documents sont présentés au Frac sous le titre La Mia casa all’Elba.
Une performance comme Wearable Chairs de 1971 dans sa dimension collective est évoquée à travers divers documents installés dans l’escalier montant à la salle d’exposition, les porteurs de chaises, mettent en valeur ces objets de design temporaire.
La structure du Tunnel sonore imaginée dès les années 1960 est recrée ici dans son ensemble de cadres métalliques, accompagnée du costume cousu de lamelles métalliques chargé de le faire tinter lorsqu’il sera traversé par la performeuse danseuse (le 2 novembre 18h30-21h30).
Toujours sensible à la prégnance du lieu l’artiste rejoue sa Breathing architecture grâce à un décollement partiel de la surface du mur et expose son Human wall, un mur de terre crue totalement recouvert de la trace des mains qui l’ont sculpté, fusion sensible du corps et de l’architecture.
Au second niveau sont évoqués les déserts de l’Ouest américain où il a vécu et enseigné dans les années 1970. Diverses réalisation entre sculpture temporaire et construction sont ainsi exposées, expérimentant ses Non conscious Building, ses Seen Portable Landscape et plus expérimentales, jouant sur des matières inhabituelles ses maisons Ice House, Clay House ou Tumbleweeds Catcher.
En développant des liens à l’écologie et aux comportements fondamentaux humains, Pettena expérimente depuis des décennies une production radicale ne manquant pas de poésie.