Pour sa 18 e édition le Festival Savignano Immagini dédié à la création documentaire dans toutes ses nouvelles acceptions essaie de conjurer par la photographie « Inquiétudes et (pres)sentiments » avec des expositions, des lectures de porte-folio et des prix montrant un panorama d’images actuelles d’une réelle exigence esthétique et politique.
Les rencontres dans cette petite ville de l’Adriatique n’ont connu que quatre directeurs artistiques, un historien de la photographie Lanfranco Colombo, deux critiques et curateurs, Denis Curti et Laura Sérani et un artiste et théoricien Mario Cresci.
Pour cet anniversaire annonçant une majorité c’est l’équipe régulière qui a fait le choix des expositions avec une invitation faite à deux commissaires proposant une approche plus théorique de la jeune création internationale réunie sous le titre de « Global photography ».
Une programmation de monographies
Nos amis italiens peuvent à leur tour apprécier l’humour aussi britannique que haut en couleurs des scènes du « Luxury » de Martin Parr. Son efficacité pour une appréhension tout public n’est cependant pas à la hauteur de son exemplaire collection de photographies montrée récemment au Jeu de Paume, qui dans ses dimensions tant historiques que contemporaines constitue un must que beaucoup de musées peuvent envier.
Plusieurs expositions opposent à ce monde de luxe international factice celui du travail, montré sans fioritures ni concession. C’est l’objet notamment de la production du workshop « SYN-TESI » organisé par Marco Zanta. Ses propres tirages d’architecture industrielle couleur mêlent la puissance de monstration de l’école allemande avec le sens de la couleur des grands coloristes transalpins. Un détail révèle la présence insolite de l’humain dans ce monde du bâti industriel.
Si une image de Carmelo Bongiorno sert d’affiche à ce SI FEST 09 c’est que la présence humaine, animale, ou celle de la nature y est toujours captée dans une proximité dont les subtils noirs profonds des tirages trahissent toute la fragilité, ce monde, le nôtre, s’y trouve menacé par sa part nocturne, toujours encore en apparition dans l’expérience individuelle, mais toujours aussi frappé du sceau de la mémoire.
L’une des dernières séries de portraits en situation de Mario Cresci concilient la présentation amateur d’un écran sur pied et une mise en abîme des identités individuelles et des occupations sociales.
Le même jeu de questionnements oppose la beauté et l’angoisse des constructions urbaines dans un grand nombre de pays émergents ; Peter Bialobrzeski nous y montre dans les grandes connurbations de la ville globale « Perdus dans les transitions ».
Un vivier de découvertes
Très à l’écoute des sensibilités contemporaines Massimo Sordi et Stefania Rössi réunissent autour de l’identité une sélection vraiment internationale de jeunes auteurs dont seuls les plus connus en France sont l’allemand Franck Rothe et la hollandaise Carla Van de Puttelaar. Le recours à l’anglais du titre autant que son caractère généraliste sont éclairés par le texte introductif rappelant que la notion d’identité aujourd’hui doit se confronter comme tant d’autres à celle de globalisation. Mais ces pratiques sont surtout définies par cette différenciation complémentaire du sous titre : lookingat/looking for (regarder/prendre soin).Chacun des auteurs ne se contente pas de porter un regard sur ses modèles il les aide de tout son soin à se faire sujets de leur propre histoire. Beaucoup des identités questionnées sont celles de qui en est moins assuré, enfants, adolescents, gens jeunes, minoritaires, transexuels…
Ainsi les enfants spectateurs fascinés de télévision de Wolfram Hahn semblent promis à devenir les adolescents qui ne s’éclairent qu’aux écrans des jeux électroniques de Evan Baden.
Les modèles sentimentaux sont questionnés par Shen Wei à partir de sa rigoureuse éducation chinoise tandis que les standards corporels se trouvent interrogés par les autoportraits de Jen Davis qui trouve sa beauté par delà sa corpulence.
Les deux latino-américains de la sélection portent un regard plus politique. Andres Marroquin Winkelmann y parvient grâce à des mises en scène d’un quotien exalté malgré sa dureté. Mais une des révélations de cette sélection est l’argentin Seba Kurtis, par des photos récupérées d’une histoire personnelle et d’un destin douloureux il ouvre son propos à un réel miné par le temps et l’usure de la violence des hommes. Son accrochage façon cabinet d’amateur XIX° siècle contribue à la radicalité de sa démarche qui nous parle de diaspora et d’espoir.
Une autre découverte de haute qualité était due au prix décerné sur place après une sélection de portefolio par une vingtaine de professionnels européen. Il a été décerné à l’unanimité à Patrizia Zelano pour une série bouleversante sur les traitements des déchets animaux qui permettent de faire des produits de beauté « In carne ed ossa », ses all over de matières animales , de chair et d’os, donnent une idée de l’enfer de nos habitudes alimentaires et hygiéniques.