Guilhem Roubichou, Codetta.
Du 5 février au 22 mars 2025, la Maison Salvan à Labège (31) accueille Codetta, exposition de Guilhem Roubichou, sous forme de rétrospective des lieux traversés, des expositions réalisées, des expérimentations en cours et des thématiques à venir.
C’est toutes narines ouvertes et l’oreille attentive, qu’il faut parcourir l’exposition Codetta de Guilhem Roubichou où se déploient des installations multisensorielles. Dans chaque salle de la Maison Salvan est diffusée une odeur, un parfum d’une série crée avec le Studio Flair, correspondant aux lieux clefs du parcours de l’artiste. Sur le même principe, des sons traversent également les espaces, composés à partir d’enregistrements pris par Guilhem Roubichou dans des lieux ayant accueilli certains de ses projets et émis par les tableaux à travers un système de vibrations. L’ouïe et l’odorat : deux sens convoqués pour proposer des liens entre les œuvres, tels des chemins pour aller de l’une à l’autre, dans l’espace et dans le temps. L’exposition est ainsi immersive par le tout qu’elle forme.
Les choses adviennent à un instant T, dans un lieu, à un moment donné : l’avant et l’après diffèrent déjà. Rien n’est éternel et c’est précisément cette impermanence qui est au cœur du travail de Guilhem Roubichou. Les processus de transformation induisent une part de disparition. De même que tout évolue dans le monde, les œuvres de Guilhem Roubichou peuvent se faire, se défaire et se refaire les unes à partir des autres, en plus de se métamorphoser de manière indépendante et autonome.
Ainsi, dans la troisième salle de la Maison Salvan, de la poussière tombe des murs, alors qu’au centre trône un cumulus sur une brouette : ces éléments proviennent d’une briqueterie aujourd’hui fermée et à côté de laquelle Guilhem Roubichou a grandi. Inspiré par l’univers rural de la petite ville de son enfance, par les gestes du travail manuel et par les matières liées aux industries, l’artiste compose une ambiance d’usine désaffectée. Il réalise la plupart de ses tableaux en convoquant des matières chimiques qui grignotent et impactent la matière, par des processus d’oxydation sur acier notamment. Précédemment, dans la deuxième salle, un château de sable s’effondre doucement dans l’humidité préservée d’une vitrine rouillée : s’agit-il d’une tentative de conserver ce qui est voué à s’écrouler ?
Si le château de sable nous renvoie à l’idée d’une architecture qui finit par tomber, redevenant matière informelle, il renvoie également à un geste d’enfant : sculpter avec le sable mouillé. Dans toute l’exposition et dès l’entrée, tel un fil rouge, des formes enfantines sont présentes de part et d’autre de l’espace, fragments de dessins agrandis et découpés dans de l’acier ; jusqu’à la quatrième salle, la plus douce, avec ses murs ornés de traces de craie, bleues et roses.
Guilhem Roubichou reprend ici les dessins de son fils Noé, dont les formes empruntes de sincérité et bonhomie contrastent avec la matière brute, tranchante, l’aspect industriel des pièces dans lesquelles elles sont taillées. Ces dernières sont autant de questions relatives à la transmission, qu’explore actuellement l’artiste, enseignant et père.
Dans une ambiance post-industrielle, il bricole à partir des décombres, de ce qui ne se voit pas – l’air, par exemple – ou n’existe plus. S’il fait ainsi le constat d’un monde en phase d’effondrement et de mutation, sa posture est positive, dans l’acte même de faire. La fin est là, mais signifie aussi le début d’autre chose : c’est ce qu’induit le terme codetta, qui donne son nom à l’exposition et qui définit, en musique, le passage entre deux partitions. Une fin et une transition, à l’échelle de la société, mais aussi, pour Guilhem Roubichou, à l’aune de son travail artistique et de ses manières de faire, d’entrevoir et d’interagir. Cette exposition se veut un point d’étape, une rétrospective de son parcours lui permettant de mettre à plat, mieux voir ce qui a été accompli jusque-là et ainsi se projeter vers l’horizon futur… dont des prémices sont déjà perceptibles dans ce qui est expérimenté ici.
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