Henri Foucault « Danse avec moi » le must du Mois Européen de la Photo à Paris

Ne faut il conserver du récent Mois de la Photo à Paris que ce constat de lassitude face à des pratiques qui semblent en perte de contact avec le réel malgré une revendication du côté du reportage et du documentaire. Autant les enjeux de la FIAC et des foires afférentes montraient de possibles ouvertures autant les répétitions au niveau européen de pratiques trop semblables nous laissent indifférents. Analyse des causes, des exceptions et du grand œuvre d’Henri Foucault.

En choisissant deux commissaires aux préoccupations et aux goûts très proches et fort classiques, Françoise Huguier et Laura Sérani face à un seul tenant des pratiques les plus contemporaines et les plus exigeantes dans leur singularité, Marc Donnadieu, on devait arriver à cet ensemble fade. Il faut savoir que l’excellent proposition de Claire Chevrier, retour de la villa Médicis, n’a pas eu le label et qu’une exposition de Ger Van Elk, pourtant trop rare en France, n’a pas non plus été retenue.

Si l’école du Nord et notamment les meilleurs artistes de la Helsinki School nous ont convaincu de la nécessité de franchir l’étape possible autant que porteuse d’un post-humanisme, autant les pratiques de paysages urbains au kilomètre d’objectivité, autant que les convocations à comparaître frontalement pour de soi disant urgences argentique ou numérique faites aux population ici majoritairement européennes, n’ayant rien à vivre ni à vendre sinon leur froide ipséité pseudo photogénique nous ennuient, nous indiffèrent dans leur façon si culturelle d’être déjà sans le savoir dans les poubelles inconséquentes de l’Histoire.

En ce début de XXI° siècle et pour aborder la post-histoire nous attendons du créateur un minimum de risques. Ainsi Mohammed Bourrouissa joue un jeu très dangereux en nos périodes d’idéologie extrême droitière. Certaines de ses images pourraient malgré sa toute bonne foi, dont nous ne doutons pas un instant, servir d’iconographie au Ministère des charters, des exclusions et des indifférences. Heureusement son sens des compositions dramatiques l’amène le plus souvent à produire des images chorégraphiées dans le quotidien, d’un réel impact imaginaire et d’une vraie puissance subversive.

La différence à risques équivalents se situe dans l’inscription culturelle du projet, ainsi avec la même technique, la superposition, Thierry Cohen ne réussit qu’occasionnellement dans ses portraits des « Binary Kids » un réel branchement entre visage et composantes numériques qui débouche à l’espace Univer sur d’autres fusions biotechnologiques quand Louise Merzeau parvient à tous coups à nourrir ses « Codex », à les charger de toute son expérience littéraire, artistique, médiologique et critique (Galerie de l ’Entrepôt).

Faire œuvre en photographie aujourd’hui suppose un engagement majeur, une radicalité du projet dont deux expositions témoignent avec ampleur. A la Maison Européenne de la Photographie Mac Dermott et Mac Gough se sont implantés au quotidien de leur création dans un XIX° siècle revendiqué comme Joop Van Liesout le fait de son état indépendant offshore des eaux territoriales néerlandaises. Il faut pour mieux approcher l’intelligence de cette pratique tout sauf nostalgique l’aborder par les petites éditions de la Bibliothèque qui en constituent la légende non pas dans le sens du cartel mais bien dans celui de l’épopée objectale. L’exploration des procédés pionniers et pictorialistes se fait dans une iconographie qui trouve sa plus grande force quand elle n’est pas mimétique des sujets de l’époque mais quand elle flirte avec les objets d’une modernité décalée.

L’œuvre d’Henri Foucault s’est construite dans le passage lent et maîtrisé d’une technique et d’un art à l’autre. La nouvelle direction de l’Hôtel de la Monnaie de Paris lui a confié l’ensemble de ses prestigieuses salles d’exposition du premier étage, face à la Seine. Cette monographie orchestrée par l’artiste lui-même constitue l’exposition la plus convaincante de cette programmation. Par son caractère rétrospectif elle nous démontre l’exigence d’un projet qui résonne autant dans les champs de la sculpture que dans la naturalité de l’image qu’elle met en crise. En s’appuyant sur le contact comme image empreinte il affirme les pouvoirs esthétiques du négatif blanc sur noir qui fait figure et sublime la présence du corps tout contre la surface sensible, dans l’expérience d’une intimité de l’atelier jouée à grandeur. Il en prolonge l’incarnation dans une troublante sculpture corporelle de la vidéo « Thaïs » ou dans une installation éclatée comme « Vie secrète ».

En recherche d’une dimension supplémentaire la surface argentique s’est d’abord trouvée dédoublée, démultipliée en autant de silhouettes trouées à l’emporte pièce et qui tentaient de coïncider comme pour montrer par leur incomplétude leur possible destin formel en 3d. Et au moment historique où les imparfaits composants des sels d’argent se sont trouvé menacés de disparition avec la pellicule, vaincus par le triomphe sur écran du support du pixel froidement géométrique, Henri Foucault a cherché quelques paramètres plastiques de substitution aux grains argentiques. Est-ce la grandeur nature qui suggéra la dimension des têtes métalliques des punaises et épingles comme doublure, toujours est il que sur le bâti de la silhouette suggérée de photons il tendit comme une seconde peau le réseau des éclats sphériques comme autant d’impacts d’un toucher du regard. Les corps deviennent aussi stellaires que dans une expérience de la plus haute sensualité, celle du partage amoureux.