On désespérait un peu d’Hiroshi Sugimoto. Les deux expositions présentées au Rencontres D’Arles cet été étaient décevantes autant sur un plan formel que conceptuel et la rigueur qui faisait la force des ces séries les plus reconnus semblaient ici tourner à vide. L’exposition de la fondation Pierre Bergé et plus encore le catalogue qui l’accompagne signe sans doute un déplacement dans son travail.
En marge de sa pratique photographique, Hiroshi Sugimoto est un collectionneur. Son intérêt se porte sur des pièces anciennes, la plupart liées à l’histoire et aux pratiques bouddhistes, mais cette curiosité s’étend à des objets païens et chrétiens. Le catalogue des éditions Xavier Barral réunit un nombre important de ces pièces. Il pourrait s’agir d’une curiosité mais l’ouvrage s’avère plus complexe qu’il n’y paraît.
Les œuvres sont présentées par le photographe qui s’étend avec détails, non seulement sur la provenance et la nature des objets mais aussi sur le rapport qu’il entretient avec ceux-ci. La dialectique qui s’instaure est à double sens, elle renseigne autant sur les objets montrés que sur le travail de Sugimoto. A travers ses choix et ses commentaires, on voit s’élaborer la construction et les fondements même d’une démarche artistique que l’on à parfois réduit à une démarche conceptuel teinté d’orientalisme. Le point de vue est ici renversé, on retrouve dans son questionnement, une pensée et une culture japonaise confronté aux idées occidentales du temps et de l’histoire.
Ce qui fait cependant la valeur du travail se situe ailleurs. Dans la manière dont Sugimoto va intervenir directement sur les objets qu’il possède. Rejoignant en cela les pratiques de destruction et de reconstruction des temples, l’artiste va ajouter des éléments contemporains à certaines pièces anciennes, allant jusqu’à introduire des éléments de son propre travail, photographies et objets qui viennent former ainsi des objets hybrides où se rencontrent plusieurs auteurs, plusieurs strates temporelles.
Plus discrets que les grands tirages vus à Arles, le jeu du photographe avec sa collection forment peut-être aujourd’hui le coeur de sa pratique. S’il décrit ce travail comme un signe de fin d’époque, on en ressort pourtant avec le sentiment qu’il remet son travail dans une perspective plus orientale, dans un cadre de pensée où les notions d’auteur et de temps s’hybrident en des formes qui échappe à nos visées téléologiques.