La pratique du dessin contemporain s’est intensifiée depuis une décennie, le salon Drawing Now notamment témoigne de sa vitalité et de la diversité des productions.
Le face à face arlésien entre Michel Houssin et Jean Luc Verna ajoute un passionnant nouvel épisode à cette aventure humaine et artistique.
La galerie 4 est une émanation des éditions Analogues dirigées par Gwenola Menou et Laurent Bourderon à qui elle a d’abord servi de vitrine. Aujourd’hui sa programmation se développe indépendamment des publications. Les éditeurs ont publié l’an dernier le catalogue de Céleste Boursier-Mougenot à l’occasion de sa représentation française à la Biennale de Venise.
Ils ont aussi eu l’idée de la revue hebdomadaire Semaines qui rend compte de la vivacité du terrain national, chaque livret de 16 pages étant ensuite rassemblé trimestriellement dans un format livre.
En collaboration avec eux, dans le local leur faisant face, Cyrille Putman, galeriste new yorkais puis parisien des années 1980 et 1990 qui a contribué à la reconnaissance de nombreux artistes dont deux aussi différents que Fabrice Hybert et Maurice Benayoun, important collectionneur et agent d’artistes vient d’ouvrir en Arles cette galerie à son nom.
Michel Houssin a exercé toute sa carrière professionnelle en tant qu’enseignant à la Villa Arson de Nice où il a eu entre autres étudiants devenus célèbres jean Luc Verna qui lui a ensuite succédé. Les deux galeristes en plein accord avec les artistes ont décidé pour leurs retrouvailles de mêler les œuvres de chacun afin de les faire mieux dialoguer malgré leurs différences de premier abord.
Tous les deux exercent avec une grande maîtrise technique, Michel Houssin dans une attitude assez classique, toujours en noir et blanc, n’emploie que le crayon sur papier. Jean Luc Verna intervient lui par transfert de ses propres dessins sur Canson ou papier ancien qu’il rehausse de crayons de couleurs, de pastel gras ou sec et souvent de fards.
Les titres de Michel Houssin renvoient directement au sujet de son dessin : « Petite foule », « Tête d’enfant », « Grand front » ou à sa matérialité : « 225 cm2 ». Jean Luc Verna incite quant à lui son regardeur à une dérive imaginaire qui peut simplement nommer son modèle : « Suzanne Janet Jawlenski » ou replacer celui-ci dans une situation vécue qui le qualifie « Arabian Knight ». La dimension humoristique ou de dérision n’est jamais absente, par une légende comme « Good Mourning » ou dans la manière d’un autoportrait « Moi, un artiste » où il se représente nu avec des bottines maniérées sur un corps fluet et un ballon en forme de crayon dans l’anus . Il n’hésite pas non plus à s’attaquer avec une certaine violence à des concepts comme « Le Père de l’abstraction » le nez dans la boue, ou « Idéologie » une brume crayonnée y enveloppe la tête d’un enfant occupé à lire.
Michel Houssin se consacre exclusivement au dessin dont il explore les limites figuratives au sein d’une série comme les petites « Broderez », dans un hyperréalisme entre fouillis végétal et carte aérienne. Jean Luc Verna multiplie techniques et média recourant aussi à la sculpture, à la photographie ou à la performance. Une de ses dernières manifestation en ce domaine étant dûe à sa collaboration avec le photographe et chorégraphe Frédéric Nauczyciel.
Tous deux cependant s’attachent avec la même passion à la représentation de l’humain. Houssin s’y engage avec une approche plus formaliste restant liée à l’anatomie et au visage qu’il démultiplie dans ses stupéfiantes foules où l’on passe de l’anonymat grégaire à une présence individuelle affirmée jusqu’aux traits faciaux. Verna , intimement lié aux aventures récentes du body art et des gender stories donne une dimension plus expressionniste à des figures toujours singulières.
Le gap générationnel n’est pas si profond qu’on aurait pu l’anticiper, tous deux manifestent une réelle passion du vivant qui s’affirme grâce à une technique très maîtrisée. Le dialogue d’œuvre à œuvre ici subtilement mis en place nous permet d’entrer avec la même émotion dans ces deux univers si prégnants.