Les oeuvres de Salvatore Puglia se déploient à partir du vaste domaine de la mémoire. Les photographies qu’il prend et les oeuvres qu’il présente à partir d’images d’archives ayant servi à identifier des individus, ne ressemblent en rien aux photographies que l’on s’attendrait à trouver chez un photographe enregistrant le passé. Car son véritable sujet ce n’est pas le souvenir, mais la mémoire en tant que faculté et que mécanisme psychique nous permettant de nous orienter dans notre relation au présent.
Ses œuvres fouillent dans les marges de l’histoire, dans ces zones où précisément c’est l’oubli qui est au travail. Des traces apparemment anodines sont associées à d’autres éléments récents ou plus anciens encore, picturaux, textuels ou plastiques. Ainsi, au lieu de projeter en pleine lumière un aspect oublié du passé, il l’utilise pour le révéler en montrant métaphoriquement comment cette occultation a pu se produire.
À partir d’image provenant des archives de la police des mœurs du Gard, de Rome ou de Calabre.
La diversité des sources est significative :
La série d’images provenant du Gard est fondée sur des carnets d’anthropométrie.
La série d’images provenant de de Rome, années 60, est issue d’archives de la Police des moeurs (La Buoncostume / wallflowers)
La série d’images provenant de Calabre est dûe à un photographe de village des années 30, Saverio Marra. ( Time-drip Suite).
Les autres photographies « ethnologiques » ont été prises dans les colonies italiennes des années 30. ( L’Illustrazione Italiana.)
Salvatore Puglia articule trois plans qui ne cessent de se croiser dans l’œuvre. L’image originelle peut être posée sur un fond ou recouverte par une coulée rouge tandis que des mots gravés attirent notre attention sur ce qu’aucune image ne peut dire et qui pourrait être le récit de la vie de la personne représentée.
En mettant en scène dans chacune de ses œuvres ces niveaux d’identification différents, Salvatore Puglia nous plonge au cœur d’un des mystère de notre psychisme, celui qui nous permet d’identifier une personne lors même que nous pouvons finalement ignorer tout d’elle. Il y a dans ce double aspect de la mémoire une violence à laquelle nous ne pensons guère et que ces images nous font vivre « en direct » faisant passer l’identification du jeu formel de la reconnaissance au jeu profond de l’appréhension de ce qui nous relie à l’autre.