Des corps nus sur un arrière plan obscur, le corps lui-même photographié dans toute sa gravité, sa matière, sa plasticité, la série intitulée
Inflexion
(2005-2006) réalisée par Regina Virserius que nous présente la galerie Eric Dupont, nous fait découvrir un étonnant travail photographique autour de l’exploration du corps dans un univers où le temps semble suspendu, où « le modèle s’échappe de lui-même et devient un motif pictural ».
Depuis son séjour à la Villa Medicis de Rome en 2000 et 2001, Regina Virserius a commencé à utiliser le médium photographique d’une manière qu’elle considère elle-même comme « expérimentale », autour d’un travail marqué par les rapports entre le plan et le volume, l’écoulement du temps et le temps suspendu entre construction intellectuelle et sensualité de l’objet photographique. Cette activité photographique actuelle, s’inspire néanmoins de sa pratique antérieure de la sculpture pour s’articuler sur des questions d’espaces, de volumes, de corps et de plans. Selon elle, la photographie crée des relations en boucle entre monde intérieur et monde extérieur (présence sensible, espace mental, mise en forme plastique) et provoque des va-et-vient constants entre imaginaire et réel.
Ainsi, par cette série, Regina Virserius nous livre des images sur le corps, au style « dépouillées » qui se concentrent sur l’essentiel, par lesquelles l’imaginaire se déploie dans le sens où l’image permet de rendre « l’invisible, visible ». Dans
Inflexion
, il s’agit pour elle « d’une tentative d’explorer le corps en image par sa présence matérielle (…) cette série est une recherche autour de la matière et de la texture, à travers les fragments du corps et ses plis (…) ».
Considérant le corps à la fois comme sujet et matière, cette série a pour but de réunir trois notions qui sont le pli, le fragment et la forme, afin de réussir à « parler de la langueur qui s’installe dans l’attente et le désir de l’amour et l’inscrire dans une temporalité liée au corps et à ce qui l’entoure ». Les corps féminins ou masculins se fondent dans la profondeur opaque du tableau. Cet effet est donné par une succession de passages d’encre et non par une simple exposition de la matière et de la gélatine argentique. Les poses sont longues et toujours réalisées en lumière naturelle. La précision des compositions de ces véritables « tableaux photographiques » est le fruit de mises en scènes et de mises en espaces rigoureuses, auxquelles s’ajoute « une attention spécifique à la sensibilité plastique de la surface de l’image ».