La revue INFRA-MINCE se veut l’organe de la recherche au sein de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles, à côté du site du CRAI Centre de Recherche Art & Image. Cette co-édition entre Filigranes et l’ENSP a pour rédacteur en chef Nicolas Giraud , enseignant, artiste et curateur. Ce numéro 12 reprend les interrogation de l’édition 10 sur photographie et politique en les focalisant de façon plus spécifique sur « L’image tactique ».
Pour donner une assise historique à cette réflexion les responsables du numéro font appel au fondateur des Visual Studies W.J.T. Mitchell dont ils traduisent le texte « illusion, voir le voir animal » datant de 1990. Cela peut donner l’envie de lire ou de relire son essai Que veulent les images ? Une critique de la culture visuelle (Les Presses du réel 2014). Du côté de l’approche contre idéologique Maxime Broidy et le rédacteur en chef mènent un entretien avec Emmanuel Guy spécialiste de Guy Debord. Cela permet de réévaluer aujourd’hui l’intelligence de son approche en tant que théoricien du situationnisme mais aussi comme réalisateur.
Nicolas Gourault artiste et chercheur, liant les questions issus des mondes techniques à ceux des réalités politiques témoigne dans « Marcher entre les images », des activités du groupe Forensic Architecture, dont les enquêtes se manifestent souvent par des vidéo ou des changements de point de vue redonnent à voir celui du concepteur ou de l’usager. Cette démultiplication des approches est aussi celle que Nicolas Giraud développe autour du concept de « Balistique des images ». Il appuie sa démonstration aussi bien sur des images fortement idéologiques, que sur des images appareillées et des créations de cinéastes ou d’un plasticien comme Clément Cogitore.
Les usages de la photographie se renouvellent aujourd’hui avec le passage de l’analogique au numérique, mais aussi avec des postures différenciées assumées par les producteurs. Caroline Bernard qui mène une recherche sur les images opératoire dans son enseignement comme en tant qu’artiste sous le label Lili range le chat produit son approche topographique sur les nouvelles possibilités de « Calibrer la terre ». Evoquant des expériences de réalité augmentée elle commente le travail du collectif Manifest.Ar. et les met en relation avec ses créations en impression 3D co-réalisées dans des aéroports avec Michiko Tsuda pour des séries comme Journey :Fossils . Avec la même technique John Craig Freeman met en scène dans Border mémorial : Frontera de Los Muertos l’inconscient historique de la frontière en Arizona.
Pour compléter cette approche de l’image tactique un portfolio Extraits, Mémoires et Anatomie est consacré à un ancien étudiant Edouard Beau qui mène un travail aux frontières du documentaire dans le Kurdistan irakien et l’Irak où il illustre la vie des communautés locales, dans des narrations visuelles d’une grande sensibilité . En fin d’ouvrage des critiques s’attachent à des essais ou à des albums interrogeant les usages de l’image, d’un point de vue historique cela permet d’aborder l’action de la revue japonaise des années 1960 Provoke, l’essai d’Arnaud Claass sur Robert Frank, ou la monographie de Stephen Shore produite par Quentin Bajac.