« Jalousies » : Clément Davout à la galerie Laure Roynette

Diplômé de l’école supérieure d’art et média de Caen en 2017, Clément Davout est invité par la galerie Laure Roynette à sa première exposition personnelle. La série présentée est un ensemble de peintures à l’huile à tendance monochromatique, prenant la flore pour sujet de prédilection. Recomposées d’après photographies, les images ont cette patine un peu rétro et instantanée du polaroïd, nom d’un matériau polarisant la lumière qui le traverse avant d’être une marque. Ce travail sur l’image engendre un environnement magnétique et ouaté.

Le biotope des plantes est assourdi par une impression de pellicules superposées. En d’autres termes, la végétation est toujours observée à travers le prisme d’un voile, d’une vitre, d’une buée… Dès lors, les ramures, plus ou moins effacées, sont empreintes d’une mélancolie condensée par un temps trop lourd, une émotion trop forte, une scène trop intense. « Objets inanimés, avez-vous une âme ? » (demande le poète Lamartine) : oh oui.

La flore de Clément Davout n’a rien de la symbolique médiévale du jardin des délices, pas plus que de la composition savante de la nature morte du XVIIème siècle. Ces efflorescences cotonneuses sont davantage des « objets paysage » selon le mot de l’artiste. En tant que telles, elles contiennent une forte narrativité.

L’atmosphère un peu étouffée créée par cette frondaison d’intérieur, conjure une scène plus ou moins dramatique. C’est que le titre de l’exposition n’est pas anodin : « Jalousies » est une référence au roman d’Alain Robbe-Grillet, La Jalousie, qui évoque un triangle amoureux. Le principe du désir mimétique, longuement analysé par René Girard, est celui d’un désir convoqué par rapport à un tiers : A aime B qui aime C. Ou A aime C à travers B. Le prisme du désir peut donc être celui d’un objet qui ne permet que partiellement au regard de posséder l’être aimé.

« Jalousie » est ainsi entendu dans son second sens : c’est la persienne, le store, le treillis piqué de petites ouvertures aguichantes pour l’oeil. C’est cette pulsion scopique dont parle Freud qui pousse à épier l’amant.e à travers le moucharabieh. Clément Davout ne peint donc pas que des plantes : il peint aussi la relation humaine, le rapport à l’autre. La tranquillité apparente de cette verdure en est d’autant plus inquiétante.

On se rappelle que la jalousie est définie comme « un monstre engendré de lui-même » par Shakespeare dans Othello. L’expression « découvrir le pot aux roses » est ainsi plus qu’approprié en regard des oeuvres de Clément Davout. Elle signifierait à l’origine le billet doux laissé par l’amant sous le pot, le secret bien gardé du fard utilisé par les femmes, ou la passion destructrice qui sommeille en chacun. Bref, le pot aux roses de Clément Davout cache bien quelque chose.