Jean Claude Lemagny toute une vie au service de la création photographique

Nous sommes aussi tristes d’apprendre la mort de Jean Claude Lemagny né en 1931 que rassurés et heureux de voir le nombre de témoignages solidaires avec Anne Biroleau son épouse de la part de toutes sortes de personnalités de la création photo , artistes et institutionnels qui reconnaissent et saluent son action exceptionnelle.

Rappelons que conservateur au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale, de 1968 à 1996 il a eu l’intelligence de considérer que le caractère multiple de la photographie pouvait faire, comme les publications livresques, l’objet d’un dépôt légal.Cette collection qui a ainsi été initiée a été complétée par des achats dont il a ensuite convaincu sa direction, elle compte ainsi des oeuvres de plusieurs générations de photographes. On y trouve par exemple des tirages des jumeaux Starn , vedettes aujourd’hui du marché de l’art international, qui dans leur jeunesse sont passés à Paris pour confier leurs premiers travaux à Jean Claude. Je suis honoré que mon travail sur la mémoire de la déportation y figure grâce à ui à côté d’autres que je respecte ou admire.

La Galerie des photographies qu’il a ouverte en 1971 a permis de mettre en valeur la photographie contemporaine, avec la publication régulière de catalogues. Il présente des artistes aussi divers qu’ Édouard Boubat (1973), Gilles Caron (1978), Garry Winogrand (1980), Christian Milovanoff (1980), Rogi André (1981), Arnaud Claass (1982), Tom Drahos (1984), Charles Harbutt (1989), Bruce Gilden (1989), Louis Faurer (1990) ….

En 1981 il fait partie de l’équipe de création des Cahiers de la photographie qui seront actif jusqu’en 1990. Denis Roche et lui m’invitent à y participer mais Gilles Mora refuse ayant peur que je lui pique des idées ( étonnantpour lui qui depuis n’a jamais connu que la photographie déjà labellisée aux Etats Unis). Cela marque mon positionnement dans le petit milieu. Jean Claude me donnera d’autres occasions de collaboration et Alain Macaire et moi l’inviterons en 1983 à participer au numéro spécial photo de la revue d’art trimestrielle CANAL, équipe de rédaction où intervient aussi Bernard Lamarche-Vadel. Plus tard avec Alin Avila nous solliciterons sa participation à Area Revue en 2003. Il coordonnera aussi un numéro de la revue Créatis La photographie au présent en 1978.

L’autre apport exceptionnel de Lemagny est d’avoir initié aux Rencontres d’Arles les premières lectures gratuites de portfolios dans la cour de l’Hôtel Arlatan, Les photographes y font la queue pour écouter ses conseils. Le témoignages de reconnaissance se multiplient actuellement sur ce rôle critique de conseiller toujours disponible. Rendez vous individuel qu’il a poursuivi dans ses bureaux de la rue de Richelieu. Le modèle s’est depuis institutionnalisé, la différence aujourd’hui se manifestant entre des lectures hors de prix comme celles des Rencontres et les autres peu chères ou gratuites qui continuent d’entretenir l’esprit de service initié à l’époque.

Sa contribution à la pensée de l’image photographique s’est aussi manifestée dans ses nombreuses publications en tant qu’historien du médium. Rappelons nous de La Photographie créative, Contrejour, 1984, récompensée par le prix Nadar, L’ Histoire de la photographie sera publiée par Bordas en 1986 avec André Rouillé comme co-auteur. Il actualisera ses choix pour le public de l’Education Nationale avec La Photographie : tendances récentes, CNDP, 1986 et sa réédition en 2002. Ses deux essais le plus importants sont L’Ombre et le Temps. Essais sur la photographie comme art, Armand Colin, 2005 et La Matière, l’Ombre, la Fiction : photographie contemporaine. À partir des Récents enrichissements du département des Estampes et de la Photographie, BNF et Nathan, 1994. On doit aussi relire le superbe texte Le marieur d’images, écrit autour du travail de Christian Milovanoff à la Galerie Françoise Paviot en 2012-2013. Enfin son dernier essai Silence de la photographie, paru chez L’Harmattan en 2013 marque une de ses thèses fondamentales : « La photographie ne relève pas d’une pensée par les idées. Pour être comprise, l’image photographique doit être appréhendée selon une pensée par les formes. »

Si je n’ai pas toujours été en accord avec ses positions notamment sur l’art contemporain sa contribution à la photographie reste primordiale défendant toutes sortes d’esthétiques par ses engagements auprès des photographes comme dans ses combats avec l’institution pour la reconnaissance de cet art