Très récemment diplômée des Beaux-Arts de Paris, la jeune artiste Ji-Eun Yoon présente ses derniers travaux à la galerie Schirman & de Beaucé. On avait déjà pu voir ses œuvres à Jeune Création en 2009, pour une belle exposition au Centre culturel coréen ou encore le mois dernier au Salon de Montrouge.

Ses dessins-sculptures, dont les contours s’esquissent au gré des morceaux de contreplaqué, elle les retravaille patiemment ; à la gouge, par laquelle elle souligne les veines du bois, mais aussi par pyrogravure en pointillé et autres grattages. C’est donc un premier travail d’épluchage auquel elle se livre, en écorçant des planches de bois déjà très fines, en les pelant afin de montrer ce qu’il y a dessous : autres textures, autres couleurs. Laissant de grands pans de matière brute, non colorée, elle rappelle qu’enfants nous pouvions parfois passer quelques heures à suivre les circonvolutions du bois sur les vieilles armoires, en déceler les figures cachées comme dans les nuages, entre les veines rongées par les petits vers.

De mystérieux paysages émergent alors et envahissent l’espace. Et dès lors que le bois livre un premier tracé, l’artiste s’en inspire pour des scènes étranges au crayon de couleur, représentant des personnages souvent muets et aveugles, aux contours des visages flous et aux traits évanescents voire dissipés. Au repos, endormis, assis ou flânant, ils sont régulièrement dessinés à côté de montagnes de linges colorés qui s’accumulent. Clin d’œil autobiographique d’un passage de sa vie où elle ne savait plus que faire des machines qui s’entassaient, elle a cependant choisi de le montrer sous l’angle de la rêverie : dans ce demi-sommeil, les visages s’évanouissent et les paysages se forment et se déforment au gré des envies, mais certains détails nous rappellent à la vie quotidienne, comme ces échafaudages de vêtements qui comblent les creux et les profondeurs sculptées par Ji-Eun Yoon.

Alors qu’elle s’était jusqu’alors contentée d’œuvres en deux dimensions (où la profondeur était figurée par les différentes traces de la gouge), elle présente ici des travaux où les plaques et les bois se superposent. Telle forme devient là une montagne, et devant elle se détache une forêt, tandis qu’au loin un lac ou un amas rocheux se dévoilent. Et, au cœur de ses dessins, d’étranges taches rouges et vertes se distinguent, semblables aux images anaglyphes qui nécessitent des lunettes spéciales pour en voir la profondeur. Mais, si personne ne se promène dans la galerie chaussé desdites lunettes, c’est que ces petits points et ces petites surfaces colorées sont avant tout là pour connoter une profondeur perdue, un espace flottant sur lesquels ses petits personnages flottent, les jambes dans le vide. Le titre de l’exposition lui-même nous engage à les suivre dans leurs pensées insolubles : « Les lents nuages font dormir ». Et rêver, assurément.