Le CCC de Tours donne une fois de plus tout son espace et de vrais moyens à un artiste français parmi nos plus radicaux, Kader Attia qui y construit sa « Kasbah ». Là où tant de centres et de commissaires jouent de coups médiatico-politiques Alain-Julien Laferrière poursuit son accompagnement des projets artistiques les plus exigeants tels ceux de Per Barclay, Malachi Farrell, Yann Toma ou Orlan. Il donne aussi leur chance à de plus jeunes créateurs comme Marie Bovo ou Antonella Bussanich. Visite en équilibre instable de l’installation de Kader Attia.
Parce que j’ai toujours été touché , ému, dérangé, interrogé par les œuvres de cet artiste né en 1970 dans le 9.3. je n’avais pas compris que son installation de la Force de l’art – ce cercle de craie cocasse hein ? – où s’ébattaient quelques sacs en plastique vides – n’était qu’une réponse radicale à la fragilité de la chose. Ici au CCC il donne toute la mesure de la puissance politique, à comprendre au sens large, dans ses installations qui questionnent architecture vernaculaire et urbanisme fondamental avec une grande économie de moyens.
Le malaise de nous retrouver quelque peu voyeuriste face aux pigeons , « FLYING RATS » massacrant les mannequins enfants de graines de la Biennale de Lyon 2005 se trouve ici reporté de façon très physique sur notre déséquilibre lors du parcours maladroit sur les toits de tôle ondulée matérialisant cette « Kasbah ».
Parmi les antennes paraboliques et les déchets sensés stabiliser les toits de ces bidonvilles ou favellas, quatre fenêtres, des photographies s’ouvrent sur les couleurs chaudes de la ville algérienne de Ghardaïa.
Dans une autre pièce obscurcie du Centre d’art un autre curieux dialogue s’établit alors avec l’installation de graines de couscous dont les traces sur le sol laissent surgir les formes simples de l’architecture Mozabite de la même ville, dont Le Corbusier s’est inspiré dans les années 30. Après l’impossible point de vue plongeant sur les constructions anarchiques nous nous trouvons soudain à l’échelle d’une vue aérienne.
Par opposition la vidéo filmée en légère contre-plongée d’un édifice de sucres blancs évoque de façon curieusement monumentale la forme de l’édifice central de La Mecque, la Kaaba, ici les cubes se trouvent lentement minés par une coulée improbable de pétrole qui en ruine la majesté.
Les résidus de l’économie globalisée , sucre et pétrole, mais aussi déchets urbains réappropriés sont montrés dans leur capacité de résistance à la pauvreté, une forme de beauté en surgit qui ne manque pas comme toujours chez cet artiste de nous interroger sur l’identité et les différences, ses qualités d’installateur, l’évidence de ses propositions plastiques pour un public large ont contribué à son succès dans la monde entier.