Habilement intitulée Repères ce dont notre société manque le plus en la matière, la nouvelle présentation permanente des collections est une réussite. Documents historiques, ressources audiovisuelles et œuvres contemporaines ont été repensées et scénarisées pour cette ré-ouverture.
On se souvient en 2007 –2008 des photographies de l’immigration américaine
Ellis Island – portraits d’Augustus Sherman, en 2011 de l’hommage au graphiste d’origine polonaise Roman Cieslewicz Zoom et l’année suivante du premier accrochage des œuvres majeures de la collection sous l’égide de Joséphine Baker avec J’ai deux amours. Cette refondation répond à l’ensemble des missions que le lieu s’est donné :
« rassembler, sauvegarder, mettre en valeur et rendre accessibles les éléments relatifs à l’histoire de l’immigration en France, notamment depuis le XIX siècle ; contribuer ainsi à la reconnaissance des parcours d’intégration des populations immigrées dans la société française et faire évoluer les regards et les mentalités sur l’immigration en France ».
Elle coincide avec la nomination toute récente à sa tête de l’universitaire Benjamin Stora, spécialiste de l’histoire du Maghreb et des luttes anticoloniales. On voit à l’œuvre dans cette muséographie ce qu’il a depuis des années appelé le « décloisonnement des imaginaires ».
L’ensemble a été réorganisé selon neuf séquences qui se répondent deux à deux . Ainsi EMIGRER amène à se trouver FACE à L’ETAT, les populations rêvant d’une TERRE D’ACCUEIL, rencontrent la France HOSTILE et restent partagées entre ICI et LA BAS. Leur quotidien se répartit entre LIEUX de VIE et TRAVAIL, en recherche d’ENRACINEMENTS. Le parcours se conclue sur un hommage à la DIVERSITE.
Les conditions du voyage, ses ballots de vêtement et les divers véhicules de fortune sont sujets à différentes versions, dans la photo de Kimsooja , Bottari Truck – Migrateurs , l’installation en barque de Road to exile, par Barthélémy Toguo, ou les voitures surchargées de Thomas Mayelander.
Des reportages photographiques de la période humaniste permettent des focus sur des sites importants comme Marseille. Les villes pléthoriques et leur banlieue des années 1960 sont illustrées par des séries comme Le grand ensemble de Mathieu Pernot, 2000. Tandis que les conditions collectives d’hébergement en foyer sont exaltées par la spectaculaire installation Climbing down de Barthélémy Toguo, 2004 .
L’évolution générationnelle se donne à entendre avec Mother Tongue de Zineb Sedira, en 2002. Chacune fait l’objet d’un dialogue, la mère de l’artiste lui parle en arabe, elle répond en français, elle parle en français à sa fille anglophone. La grand mère s’adresse à sa petite fille en anglais mais elles ne partagent plus de langue commune.
Alors que depuis une dizaine d’années, face aux seules pratiques de reportage , se développent des expressions plus complexes de fictions documentaires il est heureux que ce musée recrée ce genre d’expression par un dialogue entre ethnographie, histoire et art contemporain, pour donner une image positive et dynamique de l’immigration depuis deux siècles.