Que reste-t-il d’une famille une fois que celle-ci a pratiquement disparue ? Que reste-t’-il des livres une fois que ceux-ci ont été publiés et ont vécus leurs vies ?
L’album imaginaire ou la famille retrouvée, par Christine Delory-Momberger semble être une amorce de réponse à ces questionnements.
Conçu pour l’exposition FAMILLE(s) du festival Photaix 2022, l’album imaginaire ou la famille retrouvée apparaît comme une quintessence du travail de la photographe.
En effet, celle-ci creuse depuis plusieurs années le sillon de l’enquête familiale dans un cycle mémoriel. 

Initié par le triptyque Exils/réminiscences 1, elle s’est poursuivie par l’exposition L’entaille de l’exil (un livre est à paraître en 2023 2) et le livre En s’enfonçant dans la forêt 3, chacun d’eux représentant un pas de plus dans ce voyage au cœur de l’intime familial.
Or, ce voyage semble devoir toucher à son terme. Les morts ont trouvé leurs places, les petits fantômes veillent et protègent, le passé est retrouvé, sinon su.
Toutefois, ce serait une violence que de les laisser ainsi, de façon abrupte, ceux qui nous ont si justement accompagné durant ces années. Et les voici qui ressurgissent une dernière fois le long d’un magnifique leporello (maquetté par Dominique Mérigard).
Une mère dressée sur une frontière pour l’éternité.
Des enfants, des disparus.
Une grand-mère.
Des papiers d’identité, témoins silencieux d’une histoire familiale bouleversée.
Bouleversante.

Assemblés ainsi, ils sont maintenant réunis pour l’éternité.
Le leporello se déploie et nous invite à voyager dans les images. Et c’est le pouvoir de la photographie qui joue ici son rôle : Christine Delory-Momberger en nous offrant ainsi cette famille retrouvée, cette quintessence de son travail, nous amène à parcourir une myriade de vies qui furent.
Et par la même nous propose un regard vers nos histoires.
Que restera-t-il à l’heure de notre mort des milliers de photographies qui nous entourent ? 
Que restera-t-il de nous, nos ancêtres ?
Que restera-t-il dans un monde où tout va si vite ?
Rien ou bien peu de choses. Or, peut-être que tout à chacun, mais plus encore les photographes, devrait se pencher sur une version synthétique de son œuvre.
Une forme de condensé d’une vie qu’il léguerait à sa descendance.
Parce que l’album imaginaire ou la famille retrouvée est un legs, un don. Celui d’une photographe qui a œuvré pour fouiller sa/la mémoire et qui ne peut laisser les choses s’achever ainsi.
Je crois que l’œuvre de Christine Delory-Momberger fera sens pour les générations futures, parce que la biographie familiale, qui n’est pas si fréquente en photographie, paraît être un avenir d’importance.
La photographe fait une trace, un pas plus avant.
Il ne tient qu’à nous de la suivre.
Il ne tient qu’aux photographes de demain de prolonger leurs enquêtes, de suivre la voie.
Il ne tient qu’à nous, eux, de ne jamais oublier le travail magnifique et puissant de Christine Delory-Momberger.

1 : Exils/Réminiscences – C.DELORY-MOMBERGER – Arnaud Bizalion éditeur – 2019
2 : l’entaille de l’exil – C.DELORY-MOMBERGER- RetIIna collection – Harmattan– (in Press 2023)
3 : En s’enfonçant dans la forêt – C.DELORY-MOMBERGER/V.BARDAWIL – Arnaud Bizalion éditeur – 2021