Ce livre est la résultante d’un long travail commun de trois ans aux différentes frontières de l’Europe. Suite à une commande de leur hebdomadaire espagnol El Pais les deux auteurs Guillermo Abril pour le reportage écrit et Carlos Spottorno pour les photos , à partir des 25 000 photos du premier et les 15 carnets de note du second, ils ont réalisé cette publication en l’adaptant sous forme de cette bande dessinée « La fissure ».
Le livre s’ouvre sur le rappel des actions des alliés après la seconde guerre. Un discours de 1946 prononcé à Zurich par Winston Churchill lui fait affirmer : « Nous devons reconstituer la famille européenne ». Mais les auteurs constatent que la monnaie européenne n’apporta pas la prospérité partagée attendue. Ils évoquent ensuite les crises économiques qui en résultent ainsi que la révolte des Printemps arabes de 2011. Le conflit en Syrie lance de nombreux émigrés sur les routes vers l’Europe. En 2013 un premier naufrage en Méditerranée fait 366 noyés. Consciente de cette évolution dramatique la rédactrice en chef d’El Païs Seminal passe commande à nos deux auteurs.
Ils entament leur périple vers ce petit territoire espagnol au Maroc dans la ville fortifiée de Melilla. Un deuxième voyage a lieu en Thrace région grecque où séjournent de nombreux réfugiés syriens, mais aussi afghans, érythréens et algériens.Arrivant en Bulgarie ils y découvrent un camp regroupant syriens , kurdes et musulmans. En mars 2014 la situation historique se reporte vers Lampedusa. Ils y photographient un cimetière de bateaux libyens. Ils suivent différents sauvetages en Sicile, et font des gros plans sur des restes de naufrages réunis comme autant de témoins de vies brisées.
Ils sont ensuite transportés dans un avion militaire vers le siège de FRONTEX , l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, à Varsovie. Ils partent ensuite vers le Centre d’accueil de Mineo en Sicile. De là un voyage en hélicoptère leur permet de suivre l’opération Mare Nostrum. Ils montent à bord d’une frégate militaire convertie pour le sauvetage. Celle-ci recueille 218 personnes , chaque groupe de 5 a payé 6000 dollars. Carlos Spottorno réalise alors une vidéo Aux portes de l’Europe qui reçoit un World Press Photo.
Poursuivant leur voyage en 2015 ils gagnent la frontière entre Hongrie et Serbie, à l’époque on compte 21 millions de réfugiés. Ils assistent à un exercice en Lituanie qui tente de simuler une attaque comme celle de la Russie en Crimée. Anticipant sur la situation d guerre actuelle après une démonstration militaire en Lettonie ils se rendent au poste frontière entre Pologne et Ukraine. Puis à Vliv ils contactent des déplacés tartares. Ils enquêtent sur des soldats canadiens et américains qui entrînent les troupe ukrainiennes, rappelant que beaucoup d’ukrainiens sont installés au Canada. Toujours dans cette région ils se rendent à la frontière polonaise avec la Russie à Kaliningrad. Ils terminent leur aventure dans une base militaire pr !s du Pôle Nord où ils rencontrent des réfugiés russes , mais aussi afghans et camerounais. L’un d leurs interlocuteurs affirme « Le problème de la Russie c’est qu’elle veut devenir un héros global ». Nous en vivons les conséquences depuis le 24 février dernier.
Les fictions documentaires supposent une relation privilégiée avec une ou plusieurs communautés dans une situation historique. Les images et documents produits font ensuite l’objet d’un important travail de post-production. Les réalisations en bande dessinée sont exceptionnelles, celle ci est particulièrement intéressante et peut motiver d’autres types de publics. Ce reportage au plus près des migrants est une réponse humanitaire aux manœuvres réactionnaires des extrêmes-droites européennes.