A la fin du XXe siècle le théâtre pas plus que la peinture ne sont totalement dépassés, mais les deux arts vont se trouver obligés de modifier leurs protocoles sous la pression de pratiques proches dans leur champ de compétence, ce sera la photographie dans les arts visuels et la performance dans les arts vivants. A la croisée de ces deux pratiques réactivées dans la dernière décennie Aurélie Petrel et Vincent Roumagnac renouvellent avec leur exposition de rêves un théâtre performatif de l’image.
Leur recherche collaborative a été initiée en 2012 en complément de leur travail individuel. Aurélie Petrel vient de la photographie quand Vincent Roumagnac explore la performance. De ces champs connexes ils font retour sur une scène mixte qui n’est ni théâtre ni arts plastiques en produisant un complexe feuilletage des temps de la création.
Si leur pratique hétérotopique est aujourd’hui totalement originale elle trouve une antériorité dans une pratique divergente de la danse ou plutôt de sa pédagogie. Un autre couple des années 1960 en était à l’origine : Anna Halprin (chorégraphe née 1920) et Lawrence Halprin (architecte et paysagiste 1916-2009). Le système de partition qu’ils inventent pour leur workshop se structure en Ressources, Scores (ou partition), Valuaction (action comme évaluation) et Performance.
Les ressources Petrel et Roumagnac les ont produites en Finlande lors d’un temps de travail au cours duquel les artistes se sont isolés dans la forêt d’une île finlandaise pour répéter et jouer la pièce de Shakespeare Le Songe d’une Nuit d’été. Se souvenant que Nagi Gianni avait produit des masques pour Tragedy Reloaded par la Compagnie sturmfrei / Maya Bösch, ils l’ont invité à en créer d’autres. Ils se sont aussi adjoint la collaboration du chorégraphe-performer Simo Kellokumpu.
L’équivalent des scores ont été réalisés sous forme d’enregistrements photographiques pendant cette production initiale où aucun public n’était prévu. L’action comme évaluation s’est déroulé au Jardin de la Cité Internationale des Arts de Montmartre, à Paris du 21 au 25 juin 2016. Cette session ouverte à un public restreint convoqué sur invitation a été titrée de rêves, acte I, jardin, 2016 .
La performance de rêves, acte II, cour, 2016 donnée actuellement du 2 au 30 juillet 2016 occupe l’espace de la Galerie Escougnou-Cetraro présentée comme Une exposition de rêves. Cependant les multiples éléments graphiques créés par tirages sur des supports aussi différents que bois, plâtre, verre, plaque d’aluminium ou même fourrure synthétique n’ont pas été disposés une fois pour toutes dans la galerie. Chaque soir les deux artistes modifient leur implantation. Ce qui était un moment une scène au sens traditionnel se trouve démontée en autant d’éléments posés contre le mur. La partition se réinterprète en autant de situations où le lieu d’exposition devient coulisses d’un spectacle à imaginer autant qu’atelier d’une scénographie pour mieux le performer.
Si la collaboration du duo dans Reset/Résidus ou dans Fukushima était déjà riche de leurs réflexions ils atteignent avec de rêves acte I et II une grande liberté, un vrai plaisir de créer qui incite le spectateur à s’impliquer dans une lecture plurielle, pour mieux appréhender les temps si prolifiques de la création performative.