Comment se réapproprier en tant que photographe cieux et nuages quand tant d’images du prêt-à-voir publicitaires les ont confisquées. Mireille Loup a consacré ses premières séries à dynamiter avec un humour dévastateur s’exerçant en plans serrés les clichés sentimentaux du couple. Approchant logiquement ensuite l’imaginaire de l’enfant, ses cadrages se sont élargis. Elle a fait son entrée en triomphes colorés dans les espaces naturels.
Parce que les enfants photographiés disparaissent à l’échelle grandiose des sites naturels de Camargue et d’Europe elle les y a fait figurer plus grands que nature. Souvent saisis au niveau du sol sans réelle contre-plongée ils se trouvent à la fois magnifiés comme dans un rêve et écrasés par l’importance du ciel. Les trois protagonistes, sites , enfants et cieux de ce drame instantané pour relecture de contes de fées étant réunis la photographe équilibre leurs rôles respectifs.
Si elle a constitué cette banque de ciels en des contrées où ils opèrent leurs plus spectaculaires révolutions, Hollande, Bretagne et autres pays maritimes c’est pour accentuer leur dramaturgie. A ces ciels ouverts qu’offre la série des « Esquives » diurnes la résistance des enfants aux épreuves de la vie s’illustre par leur réactivité à la nature sous la pesanteur des cieux. Leur succèdent ensuite la nuit américaine et ses fabrications de « Nocturnes des garçons perdus ».
Mireille Loup s’est inspirée de la complexe vie personnelle de l’auteur de Peter Pan, James Matthew Barrie. Ayant perdu son frère de 13 ans quand il n’en a lui-même que 6 , il devait porter les habits de l’aîné pour que sa mère, traumatisée par le deuil, accepte de le considérer et de lui adresser la parole.Cette douloureuse histoire d’impossible deuil familial suscite le bleu électrique de l’entre chien et rêve. Pour en obtenir l’effet maximal la photographe travaille sa colorimétrie en rétablissant une balance du cyan et du rouge entre basse et haute lumière. Comme ses enfants modèles sont pris entre leurs pérégrinations dans la nature menaçante et possible résilience de leur action.
Le point de vue de la mère est abordé ensuite dans la série « Mem » , à la fois terme d’informatique pour la mémoire morte de l’ordinateur et abréviation pour un programme scientifique (Maternal-Embryonic) concernant la génétique et la fécondation. Beaucoup de ces scènes s’y déroulent dans une nature quasi mythologique dont les bleus se sont encore refroidis jusqu’à ce que l’exigence de cette recherche s’exprime dans un quasi monochrome blanc qu’elle intitule « Le carré des anges ».
Dans sa série en cours sur l’adolescence un voile blanc naturel posé sur l’objectif ou sa variante numérique poursuit l’exploration sensible du cycle de vie. La mécanique fatale des ciels de spleen enfantin se trouve enfin contredite par une nouvelle donne colorée, du côté de la vie à repenser sans la menace mécanique de ces cieux.