La parallaxe italienne sur la photographie française du XXe siècle

L’exposition estivale 2015 de la CRAF de Spilimbergo dans la ville de Pordenone s’intitule « La fotografia francese del novecento », elle s’accompagne d’une importante publication qui apporte une vision originale sur l’histoire du médium dans notre pays.

Elle s’ouvre sur un choix original d’œuvres avec quelques reproductions du siècle précédent qui s’inaugure comme d’autres ouvrages sur Maxime Ducamp et Gustave Le Gray mais qui se poursuit par des auteurs moins connus comme Pierre Petit (1831-1909) ou Théophile Cognacq (1817-1896).

Ce parti pris se prolonge sur la période moderne comme sur notre époque.
Des notices biographiques claires et précises sur l’ensemble des auteurs sont rédigées par Walter Liva, ce qui semble cohérent avec ces choix moins attendus. Le fait de sélectionner des images appartenant à des collections transalpines contribue à cette originalité. La qualité des reproductions et de l’impression est excellente.

La modernité ne présente aucune surprise quant au casting mais on est heureux que Georges Hugnet y soit bien représenté. Une découverte est constituée par Gaston Longet né à Bordeaux en 1900 et qui a fini sa vie à Los Angeles quatre vingt ans plus tard, une très dynamique photo de danse donne envie de mieux découvrir son projet. La couverture de l’ouvrage attribuée à Etienne-Bertrand Weill représente le mime Etienne Decroux, récemment présenté à la BNF son œuvre performative reste à découvrir.
A côté de nombreux représentants de l’école humaniste on peut s’intéresser à un portrait de Dali par Marc Lacroix (1920-2007). Il est heureux que Claude Batho n’ait pas été oubliée et qu’elle soit présente avec trois images qui démontrent toute la prégnance de son univers intime.

En ouverture de la partie contemporaine Claude Nori nous rappelle la belle aventure de la revue, puis des éditions, Contrejour, introduction illustrée par deux fortes images de Bernard Plossu. Tirées des archives de la CRAF à Spilimbergo co-organisatrice de l’exposition et du présent catalogue, on est invité à s’initier aux images impressionnistes de Pierre-Louis Martin (né en 1939) ou de l’américaine Susannah Wilshire Torem qui a fini sa vie à Paris et dont les tirages chromogéniques semblent très personnels. Parmi les expérimentateurs actuels il est heureux de retrouver les images sérielles de Christian Lebrat, spécialiste du cinéma expérimental, ou les natures vives de Laurent Millet. Dans les liens à une approche traditionnelle de la peinture en photographie les œuvres de Marie Maurel de Maillé ont un réel cachet.

Le choix contemporain met aussi en avant d’autres outsiders comme Gael Bonnefon ou les recherches graphiques de Paul Thorel, ainsi que Richard Pak. L’école d’Arles y est présente à travers Olivier Metzger, Vincent Debanne et Dorothée Smith. La variété de propositions récentes se révèle avec des auteurs aussi divers que Gilbert Garcin, Richard Dumas, Clark et Pougnaud, Eric Rondepierre , Eric Aupol ou Denis Darzacq.

Slavoj Zizek propose comme approche artistique critique le concept de parallaxe qui consiste à déplacer légèrement le point de vue de regard sur les œuvres, cet ouvrage malgré des parti pris parfois trop traditionnels s’y emploie avec intelligence et nous donne ainsi une autre considération sur une histoire que nous connaissons bien.