Si depuis les années 80 Bernard Lallemand s’est fait connaître en tant qu’opérateur de dispositifs, les dix premières années de son travail semblent produire une recherche fondamentale qui se donne d’abord pour objet de tester des mécanismes physiques généraux, de rassembler pour les matérialiser des énergies à l’œuvre dans le monde. L’ensemble de son œuvre récompensée par le prix Opline 2011 questionne notre humanité.
La plupart de ces dispositifs le rattachent à un courant assez minimaliste de la sculpture très contemporaine. Les titres de ses œuvres le montrent cependant attaché à interroger des forces vitales d’où des titres comme Envol (1987), Pression ou Prolifération (1992). Cette décennie 90 voit son œuvre s’orienter vers des systèmes toujours simples mais plus liés à des préoccupations humaines, en témoignent des pièces comme Sixième sens (1991) Désir ou Androgyne (1992). La mécanique s’approche des processus corporels et des dispositifs encore abstraits, datés de 1996, comme Apnée et lacrima , Amnios ou Placenta mettent en gestation, comme il le revendique, le grand cycle d’Une vie de rêve qui le range aux côtés d’autres créateurs du bio-art. Sa recherche a trouvé son champ d’application le devenir sensible de l’humain.
Les questions des fluides corporels, de nouvelles formes de sexualité et de reproduction humaines, sont posées toujours grâce à la médiation de dispositifs, mais ceux ci sont liés à des mannequins humanoïdes souvent équipés de prothèses. Sur le modèle urbain réapproprié une nouvelle cartographie corticale est dessinée en complément à ces innovations potentielles.
La question du deuil apparaît comme conséquence logique de ces interrogations sur la fragilité humaine et ses possibles remèdes bio-technologiques. Cette préoccupation trouve différentes applications selon les media auxquels l’artiste se consacre. Le film Posthume 1 tourné au téléphone portable regroupe des images du monde comme catastrophe entrecoupées de courtes séquences de films importants de l’histoire du cinéma moderne, de Murnau à Godard.
L’auteur passe ensuite à un autre type d’implication où il se met plus directement en jeu. Dans L’ange échu en 2010 le corps de l’artiste fait masse au sol et son caractère céleste est contredit par le sombre contexte où il réside. Symbole de la condition humaine. Une vidéo très clinique La toilette nous confronte à cette cérémonie funéraire où il met en scène les soins apportés à son cadavre. En revenant d’une identité de l’espèce humaine fantasmée dans ses possibles bioniques à une condition de mortel qui s’accepte il nous donne leçon d’art et de vie.