La seconde Biennale d’Architecture d’Orléans, une réussite pluridisciplinaire

La seconde Biennale d’Architecture se tient à Orléans et en Région Centre Val de Loire, elle est dirigée par Abdelkader Damani directeur du FRAC les Turbulences et Luca Galofaro, architecte et enseignant italien. Ils ont invité d’autres commissaires délégués pour explorer le thème « Nos années de solitude » que l’on peut entendre comme celle de la discipline ou au contraire celle des usagers comme le clame cette phrase mise en exergue « Pouvoir être seul voilà l’affaire du siècle ». Ce panel de personnalités révèle le caractère vraiment international de cet ensemble d’expositions.

Quatre oeuvres montrent l’étendue de ses situations solitaires, au Campo Santo Pascale Marthine Tayou oppose dans son installation deux statues d’un couple africain entouré des drapeaux de 52 pays d’Afrique. L’exposition du FRAC Centre Val de Loire nous accueille avec la projection de La Jetée de Chris Marker souvenir d’enfance dramatique du héros qui devient la victime de tortures au moment de la 3e Guerre Mondiale. Un enregistrement vidéo-danse Nos solitudes redonne à voir une chorégraphie de Julie Nioche faite d’équilibres et de contrepoids. L’Australienne Lucy McRae explore les impacts culturels et émotionnels qu’ont la science et les technologies de pointe sur la refonte du corps, sa photographie fait la couverture de la manifestation. Son Berceau de compression imagine une machine animée « comme une chorégraphie de sensations, de toucher. »

Deux pratiques différentes de la photographie entrent en dialogue avec des recherches architecturales Bertrand Cavalier avec sa série L’espace entre nous répond aux constructions de l’allemand Günter Günschel réunies sous le programme Homo Faber. De même les tirages couleurs réalisés au moyen format de la franco-suisse Daphné Bengoa actualisent les créations du marseillais François Pouillon dans la ville d’Alger. Ce retour sur oeuvres organisé par Pierre Frey s’intitule Mes réalisations parleront pour moi.

Hernan Diaz Alonso a demandé à 15 architectes de choisir l’image la plus problématique ou la plus symptomatique de leur création pour lui confronter la contamination visuelle d’autres projets qui évoluent en programmation numérique aléatoire, l’ensemble est réuni autour de l’approche de l’Architecture comme animal mutant. Les américains David Ruy et Karel Klein y `montrent ND de la Tourette qui fait fusionner Sainte Marie de la Tourette du Corbusier avec Notre Dame de Reims, sur l’écran inférieur d’autres images de leur agence Ruy Klein évoluent en damier. Cet ensemble technologique fait face à des oeuvres aux techniques graphiques plus traditionnelles appartenant à la collection du MAXXi de Rome.

Davide Sacconi organise le commissariat de l’exposition Des rêves vus de près consacrée au groupe brésilien Arquitetura Nova. Au moment de la venue au pouvoir de la dictature dans leur pays ils entrent en résistance armée, en 1970 ils sont arrêtés et torturés. En prison ils organisent un atelier de peintures dont les oeuvres de leurs co-détenus sont rassemblés dans un catalogue qu’ils publient à leur sortie. Ses trois membres fondateurs étant encore étudiants ont réalisé plusieurs bâtiments pour le chantier de Brasilia, un ensemble de photographies en témoigne. C’est à partir de cette expérience qu’ils établissent leur méthode de pensée critique et d’action politique susceptible aussi de « Libérer la main d’oeuvre ». L’originalité de leurs activités se manifeste encore par des performances d’actions rituelles adaptées de la culture populaire. Une nombreuse documentation faite d’archives et de maquettes développe leurs initiatives, elles trouvent un écho plus plastique dans les peintures matiéristes et agrémentées d’objets du quotidien de Sergio Ferro.

Vingt deux oriflammes pavoisent la rue Jeanne d’Arc menant à la Cathédrale, réunis par la commissaire palestinienne Nora Akawi, ils composent le programme L’étrangère sur terre en rassemblant des artistes des pays arabes qui participent aux mouvements d’émancipation face aux régimes autoritaires de ces régions.

Le réseau des Médiathèques de la ville accueille des étudiants de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Belleville pour un hommage à l’italo -brésilienne Lina Bo Bandi à travers la reconstruction de mobilier mis à la disposition des lecteurs et l’évocation en images et maquettes de ses bâtiments comme sa célèbre maison transparente.

Si l’on ne devait s’attacher qu’à deux oeuvres significatives de la thématique elles sont pour moi produites par les vidéastes Liam Young et le duo Ila Bêka et Louise Lemoine.L’australien Liam Young cofondateur de Tomorrows Thoughts Today, un groupe de réflexion sur l’avenir urbain, projette ici sa fiction documentaire sur les drones comme moyen de coercition mais aussi comme promesses d’échanges interpersonnels.Les deux françaises se sont fait connaitre en 2008 par une réalisation très critique Koolhaas Houselife qui montre les difficultés rencontrées au jour le jour par l’habitant paraplégique d’une maison signée Rem Koolhaas, Ici elles s’attachent à la rencontre fortuite d’une maison singulière à Tokyo. Elle est l’oeuvre d’un ex-danseur de Bûto. Quand elles lui demandent de définir cette construction hors norme il leur répond par l’improvisation d’une chorégraphie minimaliste.

D’autres programmes sont associés en Région Centre, on peut citer le colloque Les formes visuelles du collectif du XIX au XXI e siècle organisé les 7 et 8 novembre par l’Université de Tours, on y entendra notamment Raphaële Bertho. Dans la même ville le CCC Olivier Debré accueille jusqu’au 8 décembre An American Landscape du trop rare Alain Bublex. Un diorama projette le spectateur dans le décor filmique des premiers Rambo.

Cette seconde édition particulièrement réussie fait écho à la première de la Biennale de Rabat joliment intitulée Un instant avant le Monde qui regroupe jusqu’au 18 décembre 60 artistes femmes venant des arts visuels , de l’archi, mais aussi de la dans et des performances, elle est également due à l’initiative du directeur du Frac Centre.