Le 5 décembre 2007, « le jour de la sirène » a fêté son jubilé avec un dernier OPEN* à la Générale en Manufacture, dans l’ancienne école nationale de céramique de Sêvre, derrière le Musée. Le vernissage a constitué l’accrochage.
*OPEN : tous les plasticiens invités habituellement à venir voir les expositions, sont conviés à apporter une de leur création, le jour de la sirène leur fournissant le mur et le clou.

70 artistes* confirmés ou non, peintres, sculpteurs, photographes, performeurs jeunes et moins jeunes, tous mélangés dans deux vastes salles de la manufacture, ont répondu à l’invitation ce soir là du cinquantième de « la sirène ». Outre l’accrochage il y eut ce soir là des performances et des concerts. MAD MOHAMED, anciens étudiants des beaux arts, ont joué dans une salle, dans une autre LAURENT PREXL, bombe de la colle sur des partitions puis jette au hasard des petites notes de musique en papier florescent sur les feuilles encollées que adhèrent que l’artiste fait jouer à un pianiste, puis au vibraphoniste ; ça donnait une sorte de cadavre exquis musical.
Nous avons demandé à Christophe Cuzin d’éclairer pour nous ce rituel qu’il observe scrupuleusement depuis six ans. Chaque premier mercredi du mois, tandis que la sirène des pompiers retentit, Cuzin ouvrir en soirée son atelier à des amis pour une exposition, parfois une performance, une lecture, un concert, un spectacle étonnant.

Christophe Cuzin « Le « jour de la sirène » est né d’une situation personnelle. J’ai eu la chance au milieu des années quatre-vingt dix de bénéficier d’un atelier d’artiste de la ville de Paris, dans le 15ème arrondissement, à la station BALARD. A cette époque mon travail de peintre était en grande mutation. Ma pratique du tableau s’est déplacée sur l’espace, vers un travail « in situ ». L’atelier devint de moins en moins utile. Il devenait petit à petit un garage de stockage. Je me sentais un peu coupable. Connaissant un grand nombre d’artistes désireux de pouvoir bénéficier comme moi d’un atelier, j’ai décidé, en contrepartie de mon privilège, de donner une tribune aux travaux d’artistes pas ou peu montrés. Les choses se sont faites sans association ni subvention. Je confiais la clef de l’atelier pendant trois semaines aux exposants qui étaient libres d’organiser des rendez-vous comme il le souhaitait. Il n’y avait pas de permanence. Attendre le chaland était inutile, l’atelier était trop loin du centre.

Au départ j’ai fait une exposition par an. Puis je me suis décidé à en faire une par mois. Au départ j’avais un peu peur de cette régularité. Et puis ça s’est fait assez facilement J’ai pensé à la sirène qu’on entend chaque mercredi du mois et j’en ai emprunté le nom. La première exposition, C’EST Nicolas Guiet qui l’a faite. La deuxième c’était un éditeur (NOUS) : BENOIT CASAS, il s’agissait de lectures.. J’ai donné trois « sirènes » dans l’année à mon ami éditeur pour qu’il organise des rencontres. Il a fait la première avec quelqu’un qui jouait du synthétiseur, l’autre avec Jacques Jouet, de l’OULIPO.

L’atelier était en béton, ce qui donnait une particularité aux lieux par rapport au white cube ; de ce fait on avait aussi une autre lecture des œuvres. Il n’y avait pas beaucoup d’intendance. Quand on exposait des dessins, on faisait des photocopies qu’on collait sur les murs, on passait à la fin un coup d’éponge. Quand on exposait des peintures on faisait des trous dans les murs, mais on les rebouchait pas, dans le béton brut, c’est inutile. Et puis il y avait toujours un trou quelquepart. Chaque expo durait trois semaines. La dernière semaine était consacrée à l’accrochage du suivant, avec passassion des clefs. Pendant les trois mois de vacances il n’y avait pas de sirène L’atelier avait 5m sous plafond et ressemblait à une espèce de grande citerne. ça permettait de faire des choses différentes ; pour l’avant dernière sirène j’ai prêté mon atelier à ma fille, elle est trapéziste. Elle avait accroché son trapèze au plafond. Une année on a fait une sirène le premier janvier, les gens ont ramené les restes du réveillon, champagne huîtres, c’était parfait. Julien Mijangos avait réalisé une belle pièce. Il avait attaché un élastique verticalement à l’angle d’un mur et un autre horizontalement au bas du mur opposé. Il a ensuite fait passer les élastiques l’un dans l’autre. Ca tordait, distordait l’espace d’une façon étonnante.

Gaetane Lamarche Vadel
Existe-t-il une relation entre le fait que tu travailles l’espace et le fait que tu offres des espaces aux autres, que tu rendes disponible ton espace aux travaux des autres ?

« J’ai remarqué que l’architecture est souvent le départ d’un projet. Quand on a pris l’usine de Pali-Kao en 1981 à Belleville, avec Bruno Rousselot et deux autres artistes, c’est l’architecture qui a fait le projet. C’était 800 m2 sur le boulevard de Belleville. On était 4 ; on avait chacun un atelier de 100m2 ; pour le reste on avait 350m2. On a fait des expositions, des concerts, des chorégraphies, des pièces de théâtre, ça tournait à plein régime.

Avant déjà, étudiant à l’école des beaux arts de Besançon, je n’étais pas tellement peintre. Pendant mes études, j’avais ouvert une galerie dans mon village, dans l’Isère à la Côte Saint André, par le biais associatif. On avait créé une association socio-culturelle dans laquelle je m’occupais des arts plastiques. J’ai ouvert une galerie associative où j’ai présenté Bruno Rousselot à l’époque, Charles Belle, Stéphane Bordarier. C’était dans les années 1975-78. J’ai toujours gardé le souvenir de ces premières expériences d’organisateur d’expositions. La sirène a donc été une façon de renouer avec cette pratique de mes débuts dans le monde de l’art. »

GLV
Quelle relation entre « la sirène » et « La Générale » ?

CC
« Je connaissais les initiateurs de « La Générale » depuis longtemps. Je connaissais, Jonathan Loppin, qui étudiant aux beaux arts de Paris, quand j’y ai enseigné, pendant un an. Je le connaissais même d’avant, quand j’ai exposé à Reims, il était à l’école des beaux arts. Il avait rencontré Andreï qui ouvrait des squatts. Ils ont ouvert un squatt dans l’impasse St Claude qui a très bien marché. C’était l’ancêtre de « La Générale ». Ils ont fait trois belles expositions, j’ai participé à deux d’entre elles. Ensuite ils ont ouvert « La Générale » dans le 19èmeoù j’ai également exposé. Le bâtiment appartenait à l’Education nationale qui l’a laissé vide pendant quinze ans parce qu’elle ne parvenait pas à concrétiser de projet.

« A Sèvres l’Etat a des bâtiments vides, plutôt que de se les faire squatter, il préfère les prêter. C’est comme ça que la Générale se retrouve à la Manufacture pour une durée déterminée. J’y ai un atelier, c’est ainsi que j’ai pu proposer de faire « le cinquantième jour de la sirène » à la Générale. L’idée de faire une exposition ouverte à tous ceux qui voulaient y participer était une façon de réunir tous les artistes qui furent les visiteurs les plus assidus des jours de la Sirène.

A cette exposition, une autre étaite adjointe « 7/7/7 », elle représentait une résidence que nous avons faite en Bretagne cet été avec plusieurs artistes **. Chacun d’eux avait aussi fait une œuvre dans une valise, nous avons présenté ces valises à la Générale dans mon atelier.
La sirène va se reposer deux mois, et reprendra en mars 2008. Ma fille prend le relais.