Rémy Guerrin est l’un des importants auteurs de ce courant que l’on a nommé photo povera, appartenance liée à sa pratique systématique du sténopé. Dans une conception post-moderne de l’image on peut aussi le qualifier de néo-pictorialiste. Au delà de ces catégorisations sa première monographie « Limons » qui paraît aux éditions Loco montre la prégnance de son univers intimiste.
Cette double expérimentation du sténopé et des procédés anciens peut s’expliquer par sa formation en stages auprès de Jean-Pierre et Claudine Sudre pour la préciosité des tirages et de Nancy Wilson-Pajic pour une recherche fondamentale. Pour parodier le titre d’un ouvrage célèbre de Denis Roche on pourrait dire que Rémy Guerrin se consacre à des « Dépôts de douceurs et de techniques ». Si dans ce démarquage je substitue les « savoirs » du poète aux douceurs du photographe, ce sont ses sujets qui m’y incitent, tant dans les sites de ses voyages lointains ou non que dans les modèles bien dynamiques que lui fournissent ses enfants.
Entre contemplation et description il se donne autant d’occasions d’approcher le flux du monde dans ce qui fait permanence rétinienne. Pour mieux filtrer sa vision il la prolonge dans le temps de la prise de vue exigé par le sténopé. La camera obscura de sa fabrication sans objectif laisse lentement pénétrer la lumière qui insole le papier.
Le résultat en est une image de petit format (publiée avec grand soin à taille 1/1 dans le livre) qui est reproduite en tirage unique par des procédés primitifs tels que les cyanotypes (et leur dominante bleue) et les tirages au charbon ( pour des teintes plus chaudes).
David Brunel accompagne les photographies, seules ou construites en diptyques, d’un texte fragmenté dont le parcellaire tente de répondre à ce qu’il évoque comme « des images comme des champs de fouilles, précieuses et calmes ». La proximité aux choses comme au gens qui en résulte qualifie une réelle intimité, les corps s’abritent derrière le voile chimique faisant écran au carroyage subtile. Contre la violence d’une technologie toute puissante qui ne donne que de parfaites surfaces froidement mimétiques la slow photography pratiquée par Rémy Guerrin suppose une vision tendre et pénétrante.