La géographie des galeries parisiennes se recentre en se structurant, les espaces laissés libres dans le 13° arrondissement par les regroupements vers le Marais sont réappropriés par de nouveaux arrivants. D’autres déplacements hors du nord-est laissent le Plateau plus solitaire. Même si l’on reste loin des concentrations des galeries américaines ou canadiennes on constate une bi-polarisation entre Marais et 13° où ce dernier, avec l’appoint du Centre d’Art et de Recherche Bétonsalon faisant le lien des initiatives artistiques et universitaires, retrouve une énergie et une représentativité perdue depuis près d’un an.
Le nouveau pôle d’attraction près de République est la résultante directe de la galaxie Show-Off. Alors que Magda Danysz s’était déjà installées depuis la rentrée à proximité du Cirque d’Hiver au 78, rue Amelot sur trois niveaux, Vanessa Quang a trouvé au 7, rue des Filles du Calvaire un espace immense qui bien qu’encore en friche lui permet de montrer de façon conséquente l’ensemble de ses artistes où l’on retrouve avec plaisir l’humour de Pascal Lièvre, les structures dessinées proliférant en wall drawing ainsi qu’un commissariat de Martin Houg autour de trois approches musicales de la vidéo. La même rue avait vu aussi au 17 l’arrivée de Pascal Vanhoecke qui avait bâti son excellente réputation dans la proche banlieue ouest avec une présence active dans les foires européennes. La petite dernière s’installe au 19, dont elle prend le titre, et présente le travail du couple allemand Daniel et Géo Fuchs dont on connaissait les natures mortes d’animaux formolés. Aujourd’hui ils interviennent dans un documentaire historique d’une grande force. La puissance dramatique de ces images provient du décalage entre notre savoir historique de ce qui s’est passé dans ces locaux de la Stasi et leur banalité frontalement rendue dans des couleurs pastels d’une domesticité criante.
Numéris Causa reste la galerie de référence des images technologiques avec les plus représentatifs de nos artistes français en ce domaine Miguel Chevalier ou Reynald Drouin.
En se donnant ici une vitrine sur le boulevard Baumarchais ils se rapprochent de ce pôle où Polaris vient de se donner lui aussi plus d’espace pour présenter la dernière série réalisée en Chine par Stéphane Couturier. Près de la rue Saint Claude le dynamisme se confirme avec une excellente proposition photo-vidéo de Philippe Bazin chez Anne Barrault et la suite de la saga peinte des clones bi-faces de Christophe Avella-Bagur (chez Jean-Luc et Takako Richard) ainsi que par l’excellent exposition collective de femmes artistes organisée par Odile Ouizmane (voir article rubrique Nécessités Chroniques). Dans ces expérimentations technologiques l’un des plus brillants et des plus sensibles artistes des nouveaux media reste Gregory Chatonsky avec cette superbe pièce interactive qui correspondrait bien à ce terme que la francophonie essaie de promouvoir à la place du teaser de la publicité, le subtile « aguiche ». L’incitation tactile apportée au visiteur fait se rapprocher deux mains qui n’évoquent plus le pacte peint de Vinci entre l’homme et dieu, mais une relation plus sensuelle parce que plus humaine, celle de l’éternel échange amoureux.
Les deux galeristes responsable de la noria Slick, Cecile Griesmar et Johann Tamer Meurel ont décidé de réunir leurs forces en un seul lieu central sur trois niveaux au 50, rue de Richelieu sous l’enseigne Griesmar Meurel. Au premier étage une expo collective permet de retrouver avec plaisir des pratiques aussi singulières que celles de Michel Lebrun, les petites lutteuses de Tina Mérandon ou les expérimentations techno-écologiques de Catherine Nyeki. Le rez-de-chaussée est occupé par l’excellente proposition des deux séries de Vincent Debanne, sorti il y a plusieurs années de l’ENSP d’Arles et qui décline ici ses deux séries
« Dreamworks » et « Dispositifs » sous le générique quelque peu provocateur en nos périodes bien pensantes de « It’s magic working together » (voir article rubrique Précipités Chroniques).
Après l’excellente exposition d’Elina Brotherus et la sortie de son livre sur la danse chez Textuel gb agency convoque Le Cinematic Panorama de Robert Breer et Pratchaya Phinthong. Carsten Höller investit Air de Paris avec les aventures plastiques de ses « Double Shadow » où notre présence au monde se trouve inquiétée tandis que l’exposition collective de Jousse entreprise met en perspective des états de corps de la soumission sociale à la japonaise (Kishin Shinoyama) aux plus manifestes états du désir (Atelier Van Lieshout ou Richard Kern). Le plus radical et le plus pertinemment drôle des artistes de la galerie Julien Prévieux voit aussi la publication de ses indispensables « Lettres de non-motivation ».
Parmi les nouveaux arrivants Christelle Langrené programme à l’Espace Carte Blanche une très belle pièce d’Anne Deguelle et une découverte, Bruno Bressolin, dont les « Promesses non tenues » et les « Lettres en souffrance » rejouent de façon fort actuelle en objets photographiques la « déception pure, manifeste froid » du groupe de poètes français des années 70.
La galerie Sara Guedj qui a remplacé la librairie de l’angle de la rue Louise Weiss nous réserve la plus heureuse surprise avec un artiste d’une réelle puissance iconique, Victor Boulet qui, grâce à la mise en difficulté du voir, au caviardage visuel ou informatique met en crise sous le titre « reversing the direction of hope » la possibilité même de la représentation et ce de façon fort subtile.
Le dispositif le plus novateur se trouve mis en place avec le soutien des Affaires Culturelles de la Ville de Paris qui met à la disposition de l’association Bétonsalon un espace de 250 m2 et une subvention annuelle de fonctionnement sur le site de l’Université Paris Diderot, elle aussi partenaire financier. Horaires élargis et mixités des publics apparaissent très convaincants quand le titre de la première exposition « In the stream of life » s’énonce comme un programme. Sur un commissariat de Mélanie Bouteloup et Christophe Gallois
une sélection internationale d’artistes interroge l’œuvre en terme d’expériences à partager. Deux œuvres s’en détachent : un simple arrangement d’atelier de Michel François a trouvé sa dimension spatiale et sculpturale d’installation tandis qu’un long film de Lawrence Weiner
« Plowmans Lunch » donne son esprit à la manifestation en rappelant
« qu’une idée n’a de sens que dans le courant de la vie ».
Le 18 décembre 2007