La vie amoureuse des anges Christian Gattinoni (dédié à Marie No),

La photographie n’est pas seulement un énoncé mais une énonciation toujours présente dans l’image. Elle rend visible le regard. Ici, c’est particulièrement un regard du dedans, surtout quand il s’exhausse de l’amour pour celle que le regard embrasse. Regard centrifuge autant que centripète, voire regard presqu’endoscopique.
J’ai été « touché » par ce livre où « texte et images s’épousent » et, devant les photos exposées à son vernissage le samedi 13 janvier 2018 en la galerie AREA (39 rue Volta à Paris), j’ai ressenti le besoin d’écrire ce texte qui n’avait pas le dessein de paraître.

Approche de son corps à elle perçu depuis sa chair à lui qui s’ouvre à sa chair à elle.

Ou plutôt entraperçu car l’intime de chacun et l’intime unique d’eux deux ne se dévoile pas explicitement (sauf poétiquement), il ne peut que se recréer de l’intérieur.

Entraperçu comme ces fragments de peau, à peine discernables, qui agissent comme métonymies de son corps à elle en phase avec son corps à lui l’amant qui la photographie et la met amoureusement en scène en l’insérant dans un ensemble dont elle est la source capitale mais modeste. Métonymie d’elle et des deux dans cette œuvre commune.

Corps féminin vibrant vécu par l’homme qui se glisse en elle non seulement dans le berceau de son sexe mais aussi et surtout par une identification qui ne peut qu’être réciproque, parvenant subtilement et physiquement à un toucher tant externe qu’interne.

Toucher quoi ? Non seulement l’autre par des états de corps à la fois fusionnels et fissionnels mais pour chacun toucher son sexe secret refoulé, son sexe à soi caché, qui est le sexe inclus de l’autre sexe au fond –on pourrait dire au fonds- de soi-¬même devenu corps multiple, tant chez elle que chez lui.

Dans ce vidéogame fictionnel, il s’agit de se mettre dans la peau de l’autre, devenir l’autre et fréquenter ses propres altérités intimes, et receler la peau de l’autre englobée dans la peau de l’un , de l’une et de leur dyade.

L’amour c’est peut-être cette ouverture à ce qu’apparemment on n’est pas, mais qu’on parvient à atteindre dans une identité plurielle des deux entremêlés et de chacun dans le sentiment organique d’une coprésence qui parfois se confond totalement dans une recombinaison de ses identités.

On prétend que l’ange n’a pas de sexe mais c’est pour dissimuler qu’en fait il conjugue les deux. C’est ce que les anges qui président en secret à nos unions nous apprennent, grâce au patron des anges, le dieu Eros (alias Cupidon), nous pouvons accéder le temps d’une extase à l’androgynie.

L’ange n’est pas soumis à « la science impossible de l’être unique » (Barthes), il arrive alors que cet être unique soit bisexué.

Dans cet itinéraire interstice, cette coexistence des opposés chacun à chacune et le couple qu’ils forment, constituent un espace-deux, comme deux anges enlacés qui s’embrassent jusqu’à n’en former qu’un ou presque, dans la puissance commune d’une attraction de l’un vers l’autre jusqu’à l’hybridité d’une pornographie spirituelle.

Les outrances sexistes, la résignation à la séparation se dissolvent un temps en toute extrasensorialité dans l’accordage au plus juste des rythmes internes.
Du coup, les différences deviennent infimes et les souffles se réconcilient en une seule haleine.