La galerie Dominique Fiat expose en ce moment un artiste américain originaire de la côte Ouest des États-Unis. Il est né à Long Beach en 1943. Il s’est fait connaître à Los Angeles et très vite à New York en exposant des « lignes de lumière » qui sont en fait des lampes fluorescentes linéaires fabriqués artisanalement par l’artiste.
Dill fait réaliser de longs tubes qu’il va ensuite colorer à son goût. Après découpage il dispose des sections de longueurs différentes, de couleurs et d’intensités variées. La part artistique personnelle consiste à réunir les morceaux selon une ordonnance dont l’effet visuel lui convient. Une fois réalisée l’assemblage par fusion du verre on peut procéder à la charge des molécules de gaz fluorescent, ici l’argon et le mercure, qui assurent la transmission lumineuse entre les deux électrodes.
Très jeune, dans les années 1960, l’artiste produisait déjà ce type d’œuvres qu’il vient de réactualiser. Entre-temps il s’est fait également connaître par des installations où il faisait jouer la lumière et des plaques de verre dans des étendues modulées de sable. La diversité de ses talents de plasticien l’a conduit aussi vers des créations picturales bidimensionnelles ainsi que dans le façonnage du métal à plat ou en volume.
La présente exposition associe des créations lumineuses récentes (2016) à quelques pièces plus anciennes repérables à la légère dégradation du revêtement intérieur des tubes sous l’action du mercure. Il faut s’approcher pour voir cette petite différence avec les nouvelles réalisations. Ces tubes fins et droits l’artiste les a pertinemment appelés « Lights Sentences ». Surtout lorsque les segments lumineux sont disposés horizontalement ceux-ci peuvent être regardés comme des séries de mots alignés constituant des phrases. Cela semble assez naturel pour des occidentaux de suivre cette succession de couleurs de gauche à droite, l’artiste ne néglige pas les orientaux à qui la lecture des pièces verticales procure sans doute les mêmes sensations.
On pourrait continuer la métaphore en considérant les couleurs fortes et lumineuses, celles qui installent un halo sur le mur, comme les éléments constituants obligatoires d’une phrase (noms et verbes) tandis que les éléments courts et de luminosité plus faible constitueraient les éléments accessoires intégrés (embrayant, pronom, conjonction de coordination, etc.). On sait qu’une phrase écrite est encadrée par deux points, dont les deux électrodes pourraient en constituer un équivalent. Notre parcours visuel peut aussi être rapproché d’une lecture orale, en mettant en avant la structuration intonative (notamment le jeu des montées et des descentes de la voix) avec les variations d’intensité lumineuse et les jeux de couleurs plus tenues. Dans tous les cas notre regard se plait à suivre ces variations mélodiques.
Disons-le simplement les tubes fluorescents installés au mur de la galerie réjouissent notre œil du fait des intensités lumineuses parfaitement mesurées : jamais d’agression et souvent de subtils accords. S’il n’y a bien sûr aucune quête métaphysique dans les créations de Laddie John Dill. celles-ci cependant se caractérisent par une sensibilité dans les teintes et dans l’ordonnance rythmique rarement rencontrées dans les œuvres des artistes utilisant la lumière fluorescente des tubes néon. Souvent ces créations (comme celles de Dan Flavin) maintiennent le spectateur à distance de leur halo lumineux. Ici, nous l’avons dit, le spectateur peut à la fois contempler les œuvres de loin, ou mêmes examiner un ensemble de pièces, mais il peut aussi s’approcher sans risquer l’éblouissement. Une remarque rapproche pourtant les œuvres de Dill de celle de Flavin : ses pièces peuvent voyager et leur aspect se renouvelle positivement en fonction de l’espace d’exposition. On consultera le site de l’artiste pour voir des effets différents obtenus lorsqu’il installe ses créations sur un mur rugueux (cave) et dans un espace rectiligne, blancs et lisse.
L’exposition dont le titre est Desert Light est à voir rapidement, elle ferme le 20 avril.