Arrête-t-on d’aimer une personne parce qu’elle meurt ? L’Amoureuse est un journal de deuil, celui d’Anne de Gelas qui y inscrit sa douleur et l’amour qui perdure. Publié une première fois en 2013 aux éditions Caillou bleu, L’Amoureuse, est désormais épuisé. Très attachées au travail de l’artiste, les éditions Loco qui ont également publié Mère et fils, décident de le rééditer au printemps prochain.
« Je sens encore sur mes lèvres tes lèvres » Anne de Gelas, L’Amoureuse.
L’amoureuse, c’est l’autre de l’amoureux, celle qui reste tandis que le premier est mort. Dès les premières pages, le cadre est posé, une femme reste seule avec son fils, dont le père est mort. Il y a d’emblée la tristesse de l’amoureuse, et la rage résiliente de l’enfant face à la sidération.
L’Amoureuse est un journal intime, composé dans le flux de l’existence avec des éléments hétérogènes, des récits de rêves, des polaroids recouvrant lettres manuscrites, des natures mortes, des fleurs, le corps de l’être aimé sur son lit d’hôpital, puis mort, puis vivant, le récit de la dernière journée avant la mort soudaine, des dessins d’Anne de Gelas comme de son fils. L’Amoureuse est aussi la chronique de la relation de ceux qui restent, de la croissance du fils. Les nombreux portraits sont aussi des adresses au tiers absent, comme au monde extérieur.
C’est un travail lent patient, fait de multiples couches qui se superposent, celles de la peine mêlée de colère, d’incompréhension, d’impuissance, d’amour et de désir encore vifs pour un être qui n’est plus là physiquement mais qui est partout dans la vie de cette femme et de son enfant, dans leur conversation, dans leur imaginaire. Où est-il ? Comment continuer à vivre sans lui ?
Comment tisser quelque chose avec lui, encore ? Le corps continue sa course, Anne de Gelas multiplie les autoportraits parfois érotiques, confie le vin et les anti-dépresseurs qui brassent, évoque migraines et eczéma, dessine des corps romantiques enlacés avec des larmes comme des gouttes de sang. La puissance de L’Amoureuse, outre son thème élégiaque, c’est d’avoir inventer une forme singulière qui rend le chemin émotionnel palpable, lie le mouvement sensible de la matière à celui de l’intériorité.