L’art brut des visages révélés par Claude Mollard

Claude Mollard s’est fait connaître comme un de principaux artisans de la mise en œuvre du renouveau culturel de Jack Lang notamment dans le domaine des relations entre culture et éduction nationale. Depuis l’arrêt de ses missions institutionnelles il a dévoilé son travail artistique commencé en secret depuis longtemps. A l’occasion de son exposition à la Maison Européenne de la Photographie elle co-publie avec les éditions Dilecta son livre Etres Premiers, sous titré Une anthropologie imaginaire. Il regroupe plusieurs séries d’images qui constitue une galerie de portraits fantastiques de ces créatures primitives qu’il nomme Origènes.

La passion de la photographie pour Claude Mollard remonte à la fin des années 1960 où il participait aux activités si prolifiques de Club des 30×40. On doit se souvenir aussi que de 1983 à 1986 il a été le Président Fondateur du Centre national de la Photographie. C’est en 1999 à Stromboli qu’il a entamé ses premiers ensembles de portraits d’après nature qu’il ne rendra publics qu’en 2006.

La quête de l’apparition de ces pseudo-visages dans son viseur s’est développée ensuite dans de nombreux pays, en Europe, en Afrique en Amérique et en Asie. Son obsession anthropomorphique ses révèle dans ses face à face au monde végétal aussi bien qu’au minéral. Il scrute les algues , les cœurs de palmier, les fleurs d’iris et divers arbres dont les spectaculaires figuiers de barbarie. Mais il trouve aussi des visages potentiels dans les laves, les moisissures la glace ou le givre. Les brindilles portées par les vagues sur le sable lui permettent de faire surgir des gravures pointillistes qui retracent les figures de la tradition des Péchés Capitaux.

C’est auprès de Franz Krajcberg au Brésil qu’il a développé son concept d’Origènes, c’est aussi avec cet immense artiste qui vient de nous quitter qu’il a publié leur Nouveau manifeste du naturalisme intégral en 2013. Il a précisé ce concept en Irlande auprès de Tomi Ungerer qui prolonge dans l’ouvrage ses recherches par des aphorismes critiques où il décrit par exemple ces créatures comme « réincarnations d’un dieu dont les alter-égaux sont en quête d’identité. »

Il instaure une double lecture qui relie deux points de vue différents sur l’image, de même dans beaucoup de ces œuvres s’opposent masques et voiles. Ce sont ces transformations spirituelles qui autorisent Gilbert Lascault à écrire « Son appareil photo est en quelque sorte un instrument de magie et de voyance. » Ainsi en 2009 à Cuzco il photographie le sacrifice végétal d’un chamane curandero. A partir des divers objets du sacrifice, du feu et des cendres il révèle à la surprise même de l’officiant autant de « Visages furtifs ».

A côté de ces nombreux visages quelques photographies révèlent les dimensions érotiques des éléments issus de la nature. Si les apparitions faciales sont plus nombreuses d’animaux que d’humains Claude Mollard est toujours en quête de l’ensemble des formes de communication entre tous les êtres vivants. Cela suppose une double aspiration déjà énoncée par Maurice Leenhardt : « retrouver des traces d’hommes hors de nous et rappeler que le monde entier est présent en nous. »

Cette démarche singulière produit des œuvres qui suscitent l’intelligence de notre regard pour dépasser le caractère brut de leur apparente simplicité.