Sous le double intitulé, » Illuminations profanes, art contemporain et spiritualité », Philippe Filliot nous invite dans cette collection grand public toujours abondamment et justement illustrée un parcours singulier dans des pratiques qui tentent d’approcher des réalités spirituelles qui manifestent la métamorphose actuelle du sentiment religieux.
Deux chapitres consacrés aux sources mystiques et aux intrications entre méditation et création posent le cadre général dans un lien subtile à la modernité. Un autre ensemble aborde la question des lieux sacrés à inventer dans le quotidien. L’un des aspects intéressants de cette étude est de poser ces questions, non dans un absolu philosophique, mais dans ce qu’elles supposent pour l’espace et pour le corps.
Le choix des artistes apparaît tout à fait pertinent. Tout d’abord quant à ceux que l’on attend absolument sur ce terrain, tous arts confondus, tels que Mark Rothko, Giuseppe Penone, Marc Couturier, Anish Kapoor, Sarkis ou Bill Viola.
On découvre avec plaisir des artistes moins connus comme Fabienne Verdier ou l’artiste tchèque Filomena Borecka dont l’œuvre Phrenos, la banque du souffle fait l’objet d’une analyse détaillée.
On est heureux aussi de voir que la couverture a été consacrée à James Lee Byars, trop peu montré et si mal diffusé en France.
Des choix plus étonnants permettent de reconsidérer certaines pratiques moins souvent rattachées à une spiritualité actuelle qu’à d’autres courants comme Adel Abdessemed ou Claude Lévêque, à juste titre étudiés dans ces aspects moins provocateurs que ceux qu’on leur attribue habituellement.
Pour rester critique on peut s’étonner que certaines œuvres par contamination formelle se trouvent ainsi tirées un peu trop hors de leur champ d’expérience. Si Eija-Liisa Ahtila a toute sa place la série Denis Darzacq Hyper ne correspond pas à la même physicalité, alors que son ensemble Act, réalisé avec des comédiens handicapés mentaux formellement moins proche aurait été plus à sa place dans cet essai.
D’autres rapprochements paraissent incongrus, non pas que chacun des auteurs soient éloignés de la thématique, mais la dimension philosophique et humoristique de Philippe Ramette n’a rien à voir avec les superbes photographies d’oiseaux de Jean-Luc Mylaine.
Il reste que dans cette façon d’agir des artistes pour lutter contre « le désenchantement du monde » selon l’expression de Max Weber l’auteur a su révéler un éclairage essentiel sur une dimension toujours active. En étudiant la lumière, le regard, la transformation intérieure du sujet il a su affirmer ce supplément d’âme dont l’art d’aujourd’hui a besoin.