Le 55ème numéro de la revue Critique d’Art

La revue Critique d’art, organe des Archives de la Critique d’Art de Rennes existe depuis 1993. En lien avec l’Université Rennes II elle s’appuie sur un comité scientifique international. Dirigée par Jean Marc Poinsot, elle compte de nombreux collaborateurs organisés en comité de rédaction et comité de lecture. Son lectorat dédié regroupe étudiants, enseignants, bibliothécaires, libraires ou simples amateurs d’art. La revue est entièrement bilingue français / anglais, à quoi s’ajoutent en cas de traduction des textes dans la langue d’origine. Sur une programmation semestrielle, le numéro 55, daté Automne/hiver 2020 vient de paraitre, il comporte 230 pages. Très structuré selon ses habituelles rubriques il rend bien compte de sa mission exprimée dans son sous titre « Actualité internationale de la littérature critique sur l’art contemporain. »

Au comité scientifique on compte la présence de Christophe Kihm, Elisabeth Lebovici, Jacques , tandis qu’au comité de lecture retrouve Pascal Beausse, Nathalie Boulouch et Elvan Zabunyan, parmi d’autres universitaires et de nombreux membres de l’Association Internationale des Critiques d’Art. Ainsi en éditorial Maria Stavrinaki, qui fut co-commissaire de l’exposition Préhistoire : une énigme moderne au Centre Pompidou amorce une réflexion sur la pertinence actuelle du concept de globalité : « The Global Now, apothéose et déclin. » Elle y reprend la distinction d’auteures du féminisme radical sur le globe issu de nos ordinateurs et la planète comme altérité vivante. En art l’idée de contemporain est lié au concept initié par Arjun Appadurai de « global now », il faut le confronter à d’autres potentialités en oeuvre.

Plusieurs articles permettent d’aborder des thématiques aussi diverses que « L’art folklorique comme langage cosmico-rythmique », « Un corpus d’oeuvres venues de l’Amérique incarcérée. » ou une étude de L’art radiophonique « entre autonomie et hybridation. » ou encore une approche du dessin dans ses environnements scientifiques.

Deux portraits sont ensuite dressés celui du critique et commissaire australien Brook Andrew, né en 1970 et directeur de la 22ième Biennale de Sydney, il s’attache à préciser les relations entre littérature, la poésie qu’il exerce et les arts visuels. Dans sa pratique artistique il est collectionneur d’artefacts , il a recours aussi à des collections muséales et à des archives. Son dernier projet This year daté de 2020 fait le point en images sur le désastre commun que nous vivons.
Le second portrait rédigé par Jean-Marc Huitorel se consacre à cet artiste singulier qu’est Hubert Duprat , dont l’oeuvre fait l’objet d’une intense activité éditoriale critique, avec la parution de quatre ouvrages, dont deux à caractère rétrospectif à travers ses écrits et une récente exposition. Actif depuis le début des années 80, une partie de son travail se réfère à l’importance de l’Atelier. Il se consacre aussi à des constructions minérales utilisant, l’ambre et le calcaire , le corail et la pyrite ou le grès et la magnétite. Dans la recherche de formats spécifiques à chaque oeuvre, il ne se préoccupe pas d’une logique globale ou d’une contemporanéité faciles à définir.

Maria Stavrinaki est aussi l’auteure d’un long entretien avec Anselme Franke , responsable du département Arts visuels de la Haus der Kulturen der Welt (HWK) de Berlin. Il s’appuie sur l’ethnologie pour opérer une révision des concepts historiques établis comme autant de canons. Au sein d’HWK il il produit collectivement des récits alternatifs et des contre-cartographies de l’histoire de l’art. Cela aboutit à des expositions thématiques comme Parapolitics Cultural Freedom and The Cold War en 2018 qui constitue une critique du modernisme en lien à l’Histoire. La question se pose aussi dans cette approche de ne pas créer artificiellement de nouveaux canons. Pour cela il multiplie les approches transdiciplinaires dans une volonté de décolonisation.

Une traduction est consacrée à un texte de Diana Taylor, professeure à l’Université de New York dans les départements d’Espagnol et de Performance Studies qu’elle analyse notamment à travers la scène d’Amérique du Sud, qui se manifeste dans son essai Présente ! The Politics of Présence. La traduction concerne un extrait consacré aux Yes Men des performers militants qui collaborent avec des des organisations progressistes pour lutter par l’humour contre la politique néo-libérale.

L’essai produit grâce à l’Institut National d’Histoire de l’art en la personne d’Elitza Dulguerova s’attache à étudier Art et ruralité au temps des crises
avec la collaboration d’Adeline Blanchard chargée de mission Arts Visuels à l’Institut Français. Les deux institutions ont créé une bourse d’aide à l’écriture, gagnée par Camille Azaïs qui étudie l’exposition Countryside The Future organisée par l’architecte Rem Koolhaas au Guggenheim Museum de New York qu’elle met en perspective avec d’autres propositions d’expositions sur le même sujet comme Myvillages à la Whitechapell Gallery de Londres.

Un long chapitre sur l’Histoire revisitée s’ouvre sur une étude de Felicity Bodenstein qui analyse « L’intérêt pour les contextes coloniaux dans l’art ». Trois autres articles mettent en perspective l’exposition aujourd’hui , avec une relecture de plus de l’influence de Duchamp, mais aussi une réflexion critique sur les théories et pratiques actuelles de l’exposition tandis qu’une autre perspective In Real Life élargit le champ aux nouvelles expériences virtuelles.

Dans la partie Archives c’est Germano Celant (1940-2020) promoteur et théoricien de l’Arte povera dont les pratiques critiques et curatoriales sont étudiées par l’historienne de l’art italienne Lara Conte. Cela lui permet d’évoquer ses expérimentations à travers des manifestations comme Identité italienne : l’art en Italie depuis 1959 au Centre Pompidou en 1981 ou Art Life Politics Italia 1918-1943 à la Fondation Prada en 2018. Elle complète son action par sa défense textuelle d’auteurs comme Giulio Paolini .

La fin de la revue comporte des notes de lecture précises et circonstanciées de publications déposées aux Archives de la Critique d’Art ainsi que des annonces d’éditeurs, de diffuseurs et de libraires pour que tous les acteurs de l’édition d’art soient concernés.