Pour sa seconde édition du Champ des Impossibles parcours art et patrimoine dans le Perche Christine Ollier a choisi d’inviter des artistes en résidence et en exposition autour du thème « Mémoire et Ruralité ». A Nocé trois artistes exposent au Moulin Blanchard Irène Jonas , Catherine Poncin et Pierre Faure. Nicolas Krief intervient à la Pocket galerie du village. Les portraits de Guillaume Zuili sont installés au Parc Régional du Perche dans le Manoir de Courboyer. Durant l’été d’autres artistes sont intervenus dans divers sites : prieuré, manoir, église, jardin proposant une quinzaine d’expositions, trois de ces artistes Anaïs Boudot,Dune Varela et Enzo Mianes ont concrétisé la création de leur résidence.
Pour revenir sur les présentations estivales différents arts y étaient présents. Deux pratiques très différentes de la peintures se trouvaient défendues par l’iconoclaste Eric Dizambourg dans ses toiles expressionnistes monumentales et par les approches plus abstraites de Bernard Louette, coloriste travaillant ses surfaces autant que les couches successives de sa matière peinte. En sculpture Frédérique Petit représentait un courant plus traditionnel grâce à la récupération de matériaux archéologiques transformés selon des formes naturelles nids géants et sphères minérales. Les installations d’Enzo Mianes sont constituées d’objets récupérés qui constituent autant de rébus poétique quant à une archéologie sentimentale. Entre sculpture et et art du tissu les longues robes tissées en fils métalliques par Diana Brennan dialoguent à merveille avec la spiritualité des édifices religieux .
Deux jeunes artistes expérimentent la photographie en noir et blanc, Anne lIse Broyer prolonge sa quête poétique dans le domaine de la nature avec sa série Au bois du roi en recherche des univers de Bataille ou Faulkner. Poursuivant son exploration radicale de la matière image Anaïs Boudot s’attache aux architectures vernaculaires dont elle redonne une version épurée d’une haute puissance sculpturale.
Trois autres photographes mènent une approche de transformation critique de l’oeuvre d’art. Dune Varela a mené une quête dans la région de sculptures oubliées qu’elle recadre en les confrontant à des atmosphères forestières embrumées. Gaétan Viaris de Lesegno se confronte à la peinture dans ses formes les plus baroques pour en exacerber en les fragmentant les corps dans d’autres relations sensuelles.Nicolas Krief a fait le choix de la couleur pour intervenir avec des cartes blanches dans différents musées pour révéler le rapport intime entre les personnels responsables des Accrochages et les oeuvres. Les rencontres corporelles contingentes qui en surgissent ne sont pas que drôles, elles témoignent de la qualité performative des oeuvres.
Christine Ollier qui reste fidèle à beaucoup des artistes qu’elle a défendu a longuement collaboré avec Catherine Poncin après avoir présenté cet été la Boite de Pandore réalisée sous forme de fresque à partir des archives de la Fabrique de Gien elle a recueilli auprès des habitants de la région des images de famille qu’elle a réactivé en les retravaillant en diptyque ou triptyque.
Du fait de la pandémie elle a mené ces rencontres en même temps qu’Irène Jonas, photographe et sociologue l’une des révélations de cette édition.A propos sa pratique de sociologue qu’elle a mené ici auprès de différents publics locaux pour ses Mémoires de campagne elle avoue « On n’entre pas chez quelqu’un comme on en ressort ». De ce fait après la menée de l’entretien elle se consacre à la photographie. Ses images font l’objet d’une longue pratique technique, depuis la prise jusqu’à l’impression d’un tirage quelle finit par repeindre. Elle a une grande capacité de transformation des lieux comme des animaux qu’elle approche. Face à ses oeuvres on comprend la force et la justesse de sa formule « l’écriture me vide et la photo me remplit ».
L’autre travail le plus prometteur est celui engagé depuis six ans sur la France Périphérique. Par Pierre Faure pour des gens vivant en dessous du seuil de pauvreté dans toute la France , à l’exception des trop grandes villes plus en lien avec « l’économie-monde » Il passe un an par région, prenant le temps de rencontrer longuement ses modèles, pour établir une relation profonde avec eux . Il présente ici une sélection de portraits et de scènes qui témoignent de ce respect permettant d’aboutir à ces images d’une haute sensibilité. Dans l’ensemble de la série actuellement produite le contrepoint de lieux et d’architecture désertés montre un état inquiétant de notre pays.
Pour accompagner cette initiative rare Filigranes Editions publie une série de Carnets de Rencontres avec Dune Varela , Guillaume Zuli, Anaïs Boudot et Catherine Poncin et un Essai d’Irène Jonas. Vendus 10 euros ils sont produits dans un format bien adapté à la tenue en main avec beaucoup d’illustrations de très bonne qualité. L’occasion de retrouver ou de se familiariser avec ces exigeants créateurs.