Le concert des oiseaux…

« Rue de la Roquette, à Paris. Le passant lève les yeux. Il s’abstrait, le temps d’une rêverie musicale, du tumulte de la rue et de la cacophonie urbaine. Sur le pignon de l’immeuble, un fond bleu uni sur lequel se découpent les branches noueuses de la cime d’un arbre sans feuille. En traits et épargnes de noirs et de blancs, l’écorce se révèle dans sa rugosité. Ils sont là, perchés, voletant ou planant au loin dans le ciel infini, différents et ensemble, huppe, geai, perruche, moineau, hibou… entonnant un concert à entendre avec les yeux, polyphonique ou harmonique selon la sensibilité du passant.
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Si la partition, quelque peu énigmatique, évoque bien le catalogue d’oiseaux, pas de cacophonie, tutti et soli. La fable est sous-jacente et Le concert des oiseaux résonne de multiples échos, de Frans Snyders à Olivier Messiaen, de Farîd ud-Dîn ʿAttâr à Paul de Vos ou à Henry Purcell et à bien d’autres qui jouent des synesthésies. Les références, presque intemporelles, font sens, se défont, se recomposent en de multiples variations consubstantielles entre nature et culture. Mais, à la différence de la fable, le hibou ne tient ni le centre de la composition, ni la partition ; diurnes ou nocturnes, les oiseaux, tous égaux dans leur plumage noir et blanc, s’égaient en unité selon une partition chorégraphique en accord avec le mouvement doré d’un canon circulaire en arrière-plan.

La composition est métaphore. Les oiseaux parlent des hommes. Ils questionnent l’ambiguïté entre animalité et raison, entre le rêve et la conscience. Ils disputent des corps et de la société, du mimétisme et de la quête de sens. La symboliquese nourrit de la polarité et de toutes les formes de bivalence de la personnification, de la précarité des équilibres entre la liberté et l’oisiveté, le désir d’indépendance et les contraintes, assumées ou convoitées, de la société matérielle. La réinterprétation du concert d’oiseaux, dont les image ne sont pas sans évoquer les gravures d’une collection ancienne d’histoire naturelle, ouvre ainsi autant sur la pulsion et sa sublimation que sur l’animalité sociale et le bien commun : jusqu’où toutes et tous se reconnaissent-ils, se comprennent-ils dans le chant des oiseaux et dans leur mise en musique ?

Pour ce mur de grandes dimensions, Louis et Edouard, les MonkeyBird, revendiquent la technique artisanale, le travail manuel de découpe au scalpel, qui donne naissance aux formes, tout en laissant la place à l’imaginaire dans la réalisation finale. Réalisé avec un unique pochoir, dans sa palette restreinte à l’acrylique, le mur fait figure d’estampe. Le choix du noir et blanc, sur fond bleu uni, sublime le dessin et la ligne, valorise le détail du tracé, dans une intensité subtile de lumière et de profondeur, contrastée par le rehaut d’or.