Le devenir-livre de la photographie

Trois événements notables ont été consacrés récemment au livre et au livre de photographie, une exposition consacrée à Steidl à la Monnaie de Paris et deux salon, Offprint durant Paris Photo, Light au Point éphèmère.

Quand la photographie devient livre à la Monnaie de Paris est loin, très loin du programme annoncé par son titre. Quelques projets de l’éditeur allemand sont présentés sous forme de document de travail. En regard quelques tirages des photographes servent de contrepoint. Le tout est fort malheureusement entouré d’un discours sans intérêt, ni subtilité à la gloire de Steidl, dans la droite ligne des plus mauvaises publi-informations des magazines de décoration, on trouve même le prix des livres sur les textes de l’exposition.
Ce gâchis est d’autant plus dommageable que Steidl est effectivement un éditeur hors pair, qu’il laisse en effet une grande, parfois trop grande, liberté aux artistes qu’il publie. A shimmer of Possibility de Paul Graham, publié en 2007 et absent contre toute attente de l’exposition, est peut-être le meilleur livre de photographie de la décennie. Mais, au lieu d’offrir au visiteur une plongé réel dans le processus de travail, l’exposition reste à la surface glamour des choses. On ne peut que déplorer cette complaisance qui ne rend pas hommage au sérieux d’une maison respectable.

La question du livre photographique était à l’inverse au centre d’Offprint, une foire de petite taille qui s’est tenue durant Paris Photo et qui était probablement l’événement le plus excitant de cette semaine photographique. Offprint réunissait un ensemble d’éditeurs indépendants, dont beaucoup d’éditeurs allemands et hollandais, pays où l’édition photographique, mieux aidée, mieux équipée, connaît une ébullition sans comparaison.
Comme ce fut le cas à plusieurs reprises dans l’histoire de la photographie, c’est le livre qui permet la diffusion du travail photographique, comme pour Morten Andersen ou Stephen Gil qui portent une attention particulière au travail d’édition. C’est encore le livre qui permet d’aborder des pratiques plus conceptuelles de la photographie. Céline Duval et Joachim Schmidt notamment présentaient par leurs publications respectives des hypothèses différentes sur la question de l’archive photographique. Le livre et l’édition permettent sans doute le mieux de traiter non plus l’image unique mais l’image comme masse et comme flux.

S’il s’agit de la première édition d’Offprint, la jeune foire recoupe en partie le travail effectué depuis plusieurs années par le CNEAI avec le salon Light, dont la huitième édition s’est tenue durant la Fiac au point éphémère. Contrairement à Offprint, centré sur la photographie, les (micro-)éditeurs réunis à Light abordent principalement le multiple et le livre d’artiste. Si plusieurs éditeurs étaient présents dans les deux foires, Light conserve une approche plus réflexive de l’objet-livre et de sa qualité de multiple. On y trouvait entre autres les éditions Incertains Sens, les anglais de Form Content ou l’éditeur suisse Boabooks. Tous pensent à leur manière l’édition comme une forme du travail artistique que ce soit par l’objet, le texte ou le livre lui-même.

Pour les deux foires, le livre est l’outil commun d’une réflexion sur un objet d’art multiple et en même temps sur le lieu d’une réflexion d’une mise en forme particulière de la pensée et de la pratique artistique. Le multiple comme la photographie restent encore les parents pauvres d’un marché qui produit de la rareté parfois sans motif. Ces deux événements montrent qu’ils sont pourtant un laboratoire de la pratique et de la diffusion de l’art.