Le diorama cartographique d’un blockbuster

On le savait capable d’inventer tout un plan de ville sur le modèle nord-américain pour « Glooscap » ou d’imaginer un ensemble d’architectures d’algeco customisant la ville, Alain Bublex envahit maintenant la nef du CCC Olivier Debré à Tours avec une exposition qui, à juste titre , a reçu le label de la seconde biennale d’Architecture d’Orléans dans ses extensions en région Centre Val de Loire. Une installation à voir jusqu’au 8 mars 2020.

Alain Bublex, né en 1961 à Lyon, aime rappeler qu’il a plus appris de plusieurs années passées chez Renaut en tant que designer que dans les écoles d’art qu’il a fréquentées sans réelle conviction. Dans les ateliers du constructeur il a pu réaliser de nombreuses maquettes expérimentales grandeur nature , ce qui a su influencer son approche des méthodes de création et transformer son rapport à la question de l’échelle, donc des formats.

La nef du CCC présente un volume difficile à investir du fait de sa hauteur, les nombreuses parois vitrées donnant sur la ville permettent une vision extérieure sur les accrochages. Précédemment Alicja Kwade avait résolu le challenge du lieu en y installant pour The Resting Thought une sorte de labyrinthe de pierre, de parois et de miroirs qui diffractaient les points de vue. Alain Bublex a fait le choix d’occuper toute la partie haute avec un immense diorama d’une cabane en bois, tandis que la partie inférieure sert de salle projection à un dessin animé. Chaque plan de celui-ci réalisé en vectoriel reprend les paysages du film Rambo 1, dont il a supprimé les personnages.

Son double vocabulaire technique a été expérimenté dès sa série Meubles (2016) sous titrés Paysage vernaculaire (poster) (En bois) qui existent aussi sous la forme de dessins vectoriels. Les plans du blockbuster composant les vingt premières minutes ont été eux aussi dessinés à l’ordinateur. Cherchant à comprendre la fascination qu’il portait au film il a compris l’importance des paysages où se déroulait l’action, qu’il a senti proches de grands peintres américains réalistes dont bien sur Hopper. Comme si la guerre du Vietnam n’était qu’un prétexte à partager le sentiment fort d’incarnation ressenti face à ces paysages significatifs qui comme le suggère le sous- titre deviennent « génériques ».

Une précédente série Arrêt-soudains revendiquait son intérêt critique pour d’autres démarches proches de la sienne, d’où des légendes comme Une demie-heure entre Dan Graham et Thomas Demand ou National Geographic (Dimanche matin), ou Fuji Neige (Objets Trouvés)et ses vues de Beaubourg Au delà du spectacle. Ou encore la référence à La nuit américaine. Pour Plugged in city réalisée en 1998-99 il s’est appuyé sur une création homonyme de l’architecte Peter Cook , imaginant une ville fondée sur une structure apparente, une sorte d’immense échafaudage avec des éléments connectés pour répondre au besoins temporaires vitaux des habitants. C’est ainsi que sur des photos de sites urbains il a ajouté grâce à des dessins vectoriels les archi modulaires des algeco, qu’il imagine transportés par des hélicoptères.

Dans le prolongement de cette logique s’appuyant sur l’architecture il est revenu sur le Plan Voisin pour Paris de Le Corbusier datant de 1926. Il prévoyait de bannir les rues traditionnelles pour favoriser des grands axes de circulation sur plusieurs niveaux. Il envisageait un centre d’affaire un quartier résidentiel de 24 gratte-ciels et à la périphérie des usines et des cités-jardins. Actualisant cette organisation Alain Bublex a retravaillé un certain nombre d’images du périphérique qu’il a agrémenté de structures urbaines sur plusieurs niveaux fondés sur la prolifération des grandes marques.

L’ensemble du travail constitue une approche de fiction documentaire qui se joue des réalisations architecturales et urbanistiques interrogeant les formes paysages actuelles et leur évolution à travers des techniques traditionnelles et contemporaines de représentation, du diorama à la cartographie , de la photographie à ses avatars vectoriels.