Olivier Cablat expose à la galerie Incognito le résultat de sa pratique d’une archéologie contemporaine. Il s’agit d’un groupe de planches, reproductions sur fond blanc d’objets quotidiens collectés en Egypte. Chaque planche porte une légende qui renvoie à la terminologie du classement dans les sciences humaines. S’y croisent pêle-mêle archéologie, ethnographie, sociologie, muséographie, non par négligence, mais parce qu’Olivier Cablat met toutes ces disciplines en court-circuit, branchées les unes sur les autres, retournées contre elles-mêmes.
La série s’inscrit à la suite du répertoire des discothèques qu’il constitue depuis plusieurs années et qui recense un ensemble de façades de night-club. Les images sont en couleur, neutres et documentaires. Elles sont toutes prises de jour – ce qui désamorce les lieux – et classées en fonction de leur nom – La Nitro et le Galaxy seront par exemple classés dans les Club de Science.
À l’opposé des images spectaculaires d’Andreas Gursky prises dans des discothèques, les images d’Olivier Cablat restent à l’extérieur du dispositif de divertissement. A distance, elles ouvrent sur le langage, sont reliées à un commerce des signes et des mots. En cela sa démarche fait sens dans l’histoire de la photographie mais elle s’inscrit en même temps dans une pensée contemporaine de l’urbain, à la suite par exemple de Robert Venturi et Denise Scott Brown qui les premiers ont posé la laideur et la banalité comme autant de données architecturales.
Les images égyptiennes sont le résultat d’une autre campagne ; en 2005, Olivier Cablat a travaillé plusieurs mois à Louxor sur un site de fouilles. Pris entre l’Égypte contemporaine et le monde de la recherche archéologique, il a appliqué l’un à l’autre. Ce faisant, il maintient sa posture de chercheur qui collecte, analyse, restaure, classifie, mais il travaille sur le présent ou si l’on veut sur un « passé contemporain ». On pense à la démarche de Mark Dion qui rend également visible le sujet de la recherche et la recherche. Dans les deux cas, il y a un jeu avec les catégories du passé, mais l’usage que fait Olivier Cablat du temps est différent, il rend risible autant que visible. Non seulement il empêche une sacralisation du vernaculaire, mais contribue en sus à désacraliser la machine muséographique. S’il fouille les poubelles du snack qui jouxte le champ de fouilles, ce qu’il y trouve n’est pas sans lien avec l’archéologie. On y retrouve le Sphinx et les pyramides mais sur des télécartes et des paquets de Chips. Ce qu’il expose, avec rigueur et beaucoup d’ironie, c’est le commerce massif qui est fait de la connaissance et du passé. Sous couvert de l’histoire, les éléments d’un recyclage permanent, vider les poubelles d’hier pour remplir celles de demain.