Le Fresnoy s’est affirmé en quelques années comme l’Ecole supérieure des arts technologiques qui manquait à la France. La diversité, comme la renommée de ses intervenants renouvelés chaque année est son principal atout, à côté d’un équipement de pointe. Pour médiatiser les productions de chaque promotion une exposition annuelle et un livre , titrés Panorama réunissent les œuvres des étudiants diplômés et celles de leurs enseignants. Un commissaire extérieur les réunit et les met en perspective à partir d’un thème.L’an dernier il s’agissait de Joelle Pijaudier du Musée de Villeneuve d’Ascq qui interrogeait les « Casting stories », cette année Philippe Dagen les accompagne dans « Notre meilleur monde » tandis que Paul Ardenne a été désigné pour suivre la prochaine promotion. Le catalogue publié avec Archibooks+Sautereau éditeur rend compte de cette création multimédia de qualité. Le texte de Philippe Dagen s’emploie à montrer comment l’appropriation des moyens technologiques les plus sophistiqués rend compte de sentiments humains de toujours à la recherche très paradoxale de ce « meilleur monde ». On y trouve un commentaire des œuvres des artistes-professeurs venant du cinéma comme Chantal Ackerman ou Straub et Huillet, des détournements plastiques de l’ image avec François Rouan ou des nouvelles technologies. Ainsi la superbe installation de Catherine Ikam spatialise une sorte d’album de famille universel, qui dialogue dans le temps avec la nouvelle présentation 3D des collections que l’on peut apprécier au Musée Niepce de Châlon sur Saône. Artistes et organisateurs prouvent ainsi les liens puissants qui peuvent exister entre ces nouveaux outils, l’histoire de l’art, la muséologie et des formes auxquelles le plus grand public reste attaché.. L’exposition s’organise comme à l’accoutumé sur une scénographie impeccable où les différentes pièces dans leur espace propre dialoguent sans se nuire, notamment au niveau sonore. On doit certes interroger ce recours systématique à cette nuit technique artificielle, héritée du cinéma. Nous nous y emploierons dans le prochainj numéro d’Aréa revue)s( sur la Nuit en interrogeant Alain Fleischer en tant qu’artiste et maître de ces lieux. Le Fresnoy apparaît comme un laboratoire des nouveaux média d’où sont sortis de nombreux jeunes artistes reconnus sur la scène française et internationale, parmi lesquels on peutr citer Maïder Fortuné ou Maris Laure Cazin, et ses « Histoires de la tâche ». Parmi les révélations de cette année Cléa Coudsi travaille elle aussi l’iconographie anonyme à travers une sonorisation de cartes postales, réactivant dans l’image, l’écritutre et les voix une mémoire en train de se déliter. Pour répondre à ,la banalité du quotidien Cyprien Quairiat nous invite dans « une « Salle d’attente » interactive fort sympathique. En opposition à cette attente la fluidité des corps est testée aussi bien dans le fragment d’opéra de Julien Tarride « je chante le corps électrique » que dans l’installation « Karma/cell » de Kurt Hentschlager. Ana Maria Gomes conduit avec une vraie sensibilité un essai documentaire vidéo autour d’un personnage sensuel et attachant d’une grande vitalité « Teresa ». Les nouveaux avatars urbains sont explorés à travers la vidéo béta numérique par Zhenchen Liu pour « Shangaï , shangaï » et par Sébastien Caillat qui en donne la mesure humaine fantasmée dans « Histoire sans gravité ». La critique de cette nouvelle urbanité se fait à travers l’installation de Johan Bérard, la plus convaincante dans cette manifestation, « Night City » avec une mise en espace d’une vraie intelligence à travers un bureau vitré d’où on peut observer l’évolution vidéo des personnages vivant cette mégapole technologique. Si vous avez manqué les précédentes éditions les différents catalogues de ces « Panoramas » constituent une source importante d’information sur la création en recherche d’un « meilleur monde » qui ne nie pas le passé, mais le met en perspective.