LE HAVRE Comme une histoire

Mêlant des commandes publiques avec le travail spontané de différents photographes de différentes époques, ce portrait kaléidoscopique de la ville du Havre inclut aussi des peintures et des dessins réalistes de Yves Bélorgey. Ce parti pris montre paradoxalement combien le réalisme poétique de certaines images photographiques s’évade de la vision frontale attendue de cet espace urbain si particulier, car entièrement reconstruit après la guerre.

Le MuMA – le très beau musée André Malraux du Havre – qui a été construit face à la mer abrite une collection de paysages de la région. Toutes ces visions inspirées de la ville y trouvent un précieux écrin face à la mer et au ciel qui s’y reflète.

Comme une histoire insiste sur la forme narrative dont chaque image peut être le point de départ. Mathias Koch montre ainsi un espace ambigu, au carrefour de rues, entre jour et nuit. Ce jeune photographe observe la mutation de territoire dont la structure urbaine du Havre est emblématique. Les photographies très graphiques de Lucien Hervé (pseudonyme de Laszlo Elkan) qui fut le photographe attitré de Le Corbusier mettent surtout en valeur l’architecture, en raison de la commande qui lui avait été passée en juillet 1956 pour promouvoir cette ville reconstruite après sa destruction par Auguste Perret. Et depuis, Le Havre a été reconnu en 2015 Patrimoine Mondial de l’Humanité de l’Unesco en raison de l’omniprésence de son architecture moderniste.

Les vues en noir et blanc de bords de mer ou de la ville de Bernard Plossu s’écartent cependant de cette vision documentaire valorisante pour introduire une poétique du quotidien, comme le fait Véronique Ellena. Certains clichés, dont le sien, semblent venir d’une vision cinématographique, d’une dérive à la Wenders. L’exposition contient d’ailleurs des videos dont la très perturbante visite de la Maison de L’Armateur – l’un des rares lieux resté intact de la ville – où la conservatrice nous fait découvrir les objets qui figurent dans son cabinet de curiosité, le tout scandé par la musique entêtante de Psychose de Alfred Hitchcock. Ce court film, que l’on doit à Dana Levy, est une manière de montrer que en dépit de l’immense destruction et des reconstructions récentes, il reste une part de temps qui ne passe pas.