Le lieu unique. Le chantier, un acte culturel / Nantes, par Christophe Catsaros

Actes Sud inaugure en cette année 2006 une nouvelle collection intitulée « L’impensé ». Dirigée par Claire David et Patrick Bouchain, elle édite des textes issus de la rencontre entre des constructeurs, des artistes, des architectes ou des journalistes avec des sites qualifiant différemment la relation entre l’architecture et le paysage.

Dans Le lieu unique. Le chantier, un acte culturel / Nantes, Christophe Catsaros raconte l’histoire de la reconversion de l’ancienne usine L.U. Son récit, ponctué par de nombreuses images apportant elles-aussi un bon éclairage sur les étapes et aspects du chantier, met en avant les spécificités innovantes du projet de Patrick Bouchain. Cet architecte a pris appui sur le passif du lieu et sur son contexte urbain, social et symbolique tout en se souciant d’intégrer les besoins exprimés par les futurs occupants du bâtiment. Le détail du chantier est souvent passionnant, comme le Grenier du Siècle qui regroupe des objets déposés par des nantais afin de laisser une trace du siècle passé pour les générations à venir. Le portrait qui ressort de Patrick Bouchain pourrait se résumer dans la place qu’il accorde aux autres dans l’élaboration du chantier : habitants, entrepreneurs, mais aussi à l’autre monde, ici l’Afrique puisque des artisans maliens ont fabriqué les panneaux de bois qui recouvrent l’un des murs du restaurant. Un portrait qui correspond bien aussi à sa proposition pour la Biennale de Venise.

Christophe Catsaros fait ainsi un éloge clair et très positif du Lieu Unique, en dresse un portrait sans fissures, et on peut cependant regretter cette posture trop unanimement laudative. Dans ce récit, l’exemplarité du processus mise en oeuvre par Patrick Bouchain est tellement mise en avant qu’elle fragilise la crédibilité accordée par le lecteur à son interlocuteur. La neutralité objective du ton adoptée pour la construction du récit n’est pas relayée par une position critique adéquate. Les deux derniers chapitres en font pourtant preuve au moment où le livre aborde un autre volet, qui est l’élargissement de la réflexion sur le Lieu Unique à celle des pratiques culturelles contemporaines, et à la question du patrimoine industriel. Le regard devient alors plus vif pour juger des réalisations et des pratiques qui nous entourent. Christophe Catsaros développe des argumentations très intéressantes sur les enjeux de la modularité dans le contexte de l’art, ou des relations à entretenir et générer avec la mémoire et l’oubli collectifs. Le propos avance des positions éclairantes qui justifient cette fois de manière plus convaincante l’enthousiasme exprimé pour les propositions de Patrick Bouchain dont les perspectives innovantes demandent à être poursuivies.