Le livre de photographie dans tous ses états à Zone I

L’actualité de l’été de zone i au Moulin de Thoré la Rochette dans le Vendômois est consacrée au livre photographique présenté en installation, hommage à l’éditeur Bob Delpire, atelier de livres objets de Juanan Requena , inauguration de la Tiny bibliothèque , exposition carte blanche à Tendance Floue et sortie de résidence de Morgane Delfosse.

Depuis cinq ans Mat Jacob et Monica Santos ont acquis le Moulin de Thoré la Rochette sur le Loir qu’ils ont rénové grâce au soutien en 2019 du Loto du Patrimoine de la Mission Stéphane Bern. Ils en ont fait un lieu exceptionnel et chaleureux de création autour de la photographie à travers résidence, stage et expositions dans les liens entre images et environnement. J’avais déjà ici rendu compte de deux publications de sorties de ces résidences Terre &Territoires , celles d’Arnaud Brignon et de Julie Hascoet.

En 2022 c’est Morgane Delfosse , née en 1991 et appartenant au Studio Hans Lucas qui en a bénéficié, choisissant l’aspect humain. Dans un champ à côté du Moulin Jean-Philippe Mauchien a créé un labyrinthe fait de récupération de portes, fenêtres, cloisons et miroirs. Il sert cette année de lieu d’exposition aux tirages de la série Entre deux eaux où la photographe diplômée de l’École supérieure des arts le Septantecinq à Bruxelles, a fait le portrait d’adolescents de la région. Un livre , le premier de l’auteure co-édité avec Filigranes et Valimage regroupe ces portraits la plupart individuels publiés en bonne page accompagnés d’un texte qui montre leur relation intime au territoire.

Dans le labyrinthe sont aussi présentés les résultats d’une action pédagogique Images des autres, images de soi menée par l’équipe dirigeante de zone i avec Morgane Delfosse et Clara Gasull. Ils ont travaillé avec une classe de 3eme SEGPA du collège Jean Emond de Vendôme . Un journal accompagne cette action avec des photos très convaincantes notamment de corps s’appropriant l’espace urbain avec une grande liberté.

Bob Delpire,1926 – 2017, a été un pionnier de la photographie de création en France, fournissant à notre pays l’accès à une vraie culture du médium à travers ses éditions, dont la célèbre collection Photo Poche ou la création du Centre National de la Photo au Palais de Tokyo. Pour cette exposition Ivres livres ou une image dos bleu de grand format nous accueille dans son bureau éditorial, Monica Santos présente une installation de ses principaux livres à partir d’un montage de leurs bonnes pages. Sa compagne Sarah Moon diffuse son portrait vidéo réalisé en 2009 Le montreur d’images. Quelques tirages grand format d’oeuvres phares complètent cet hommage .

Juanan Requena, plasticien espagnol né en 1983 et représenté par l’agence VU investit la partie supérieure du bâtiment principal qu’il transforme en atelier grenier. Il nous convie à cet espace d’élaboration d’une oeuvre argentique à l’ancienne qu’il intitule Si fugacement. Dans une atmosphère de basse lumière il répartit une collection disparate faite de journaux intimes, de collage d’images et de textes, de lettres et de dessins. En nous faisant partager l’intimité de la création d’un collectionneur , il sculpte la matière des livres et des tirages pour leur donner une autre vie et un sens plus troublant qui joue avec nos sens et notre imaginaire.

Dans leur action tous azimuts pour l’édition zone i vient d’inaugurer en mai dernier la Tiny Bibliothèque Photo, elle a été conçue par Jean-Philippe Mauchien, assisté de Léo Guillet, réalisée avec des matériaux écologiques elle est une application de l’habitat alternatif. Elle compte déjà à son ouverture 900 ouvrages résultant du don d’éditeurs, de fondations et d’artistes.

Fondé en 1991, Tendance Floue est un collectif de quinze photographes français ils se revendiquent « à la croisée du social, du culturel, du documentaire et de l’artistique ». Dix d’entre eux ont travaillé sur le territoire vendômois pour cette carte blanche : Pascal Aimar, Denis Bourges, Gilles Coulon, Olivier Culmann, Grégoire Eloy, Mat Jacob, Yohanne Lamoulère, Bertrand Meunier, Meyer et Alain Willaume. Chacun s’est constitué son petit délire propre à entamer son approche personnelle. Ils ont ainsi donné préférence aux légendes, aux histoires individuelles plutôt qu’aux faits considérés habituellement comme documentaires. En choisissant comme prétexte La perspective du castor, ils construisent une fable pseudo-scientifique où la diversité du témoignage apparait dans les textes comme dans les images de différentes tailles , présentées dans une installation où l’on est invité à errer à la recherche d’indices pour une contre-histoire du territoire. Le livre constitué de deux cahiers et d’un plan qui double la couverture reprend cet itinéraire dans l’imagination.